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REMEDIONS, REMEDIONS, il en restera toujours quelque chose

Article paru dans le Bulletin de l’AFAPMS de décembre 2006
(publié sur le site de l’AFAPMS)
Michel Simonis

(Un vieux texte datant de plusieurs décennies, mais toujours d’actualité, non ?)

La remédiation de l’échec ou l’échec de la remédiation ?

Quoi ? La remédiation porterait en elle les germes de l’échec ?

Dans REMEDIATION, il y a REMEDE. Dans REMEDE, il y a MEDECINE. Dans MEDECINE, il y a MALADIE. Dans MALADIE, il y a DEFECTUOSITE. Dans DEFECTUOSITE, il y a DEFAUT. Dans DEFAUT, il y a FAUTE. Dans FAUTE, il y a CULPABILITE. Dans CULPABILITE, il y a DEVALORISATION de soi. Dans DEVALORISATION de soi, il y a ECHEC !

Beaucoup de documents produits par et autour de l’école parlent d’échecs, de difficultés, de problèmes, de lacunes ... tant pour les enseignants que pour les élèves.

Commençons par les enseignants.
(Mais on verra qu’en filigrane, les élèves sont bien là dans le fil du texte.)

Dans les documents de la Formation continuée des enseignants, on parle souvent de formation en rapport avec un problème : la demande -de formation part d’un problème, d’une difficulté, d’une lacune à combler, dit-on.

Souvent, le projet de formation est pensé à partir de lacunes à combler. C’est bien entendu encore plus évident pour les élèves qu’on oriente vers une "remédiation".
Dans ce cas, le processus de formation ou de remédiation, s’il est pensé du dehors plutôt que le fruit d’un choix personnel, contient un risque d’échec, car on peut alors glisser facilement dans un sentiment de dévalorisation, de frustration ou d’échec face à ceux qui sont censés nous apporter des solutions, ou entraîner de la résistance, ce qui est moins grave, mais pas très productif.

Bien sûr, un choix personnel de formation peut se fonder sur des lacunes qu’on souhaite combler. Si la demande de formation part d’un besoin, ce n’est pas toujours celui qu’on pense.

A partir d’ici, préparez-vous à une double lecture. Un peu de gymnastique mentale : chaque fois que vous rencontrez les mots "enseignants" et "formation", pensez qu’on peut les remplacer par "élèves" et "apprentissage".

Sous ce besoin exprimé d’un manque, il y a souvent un besoin inexprimé d’être reconnu dans ce qu’on pense, d’être confirmé dans ce qu’on fait, de chercher des auditeurs, des témoins, des amis avec qui partager ce qu’on vit au quotidien, ou ce qu’on pense secrètement et qu’on ne sait ou ne peut exprimer devant ses collègues. Inutile de rappeler ici l’isolement de beaucoup d’enseignants, seuls face aux défis de leur métier "impossible", sans trouver de vrai soutien autour d’eux.

La formation peut être conçue alors comme une confirmation. Elle apportera aux participants un renforcement ("positif" !), un enracinement de ce qu’ils sentent, pensent et font. Une fois reconnus et appréciés, et au travers de cette reconnaissance et de cette appréciation, ils accepteront d’être confrontés à des ruptures, à des chocs conceptuels, à des mises - ou remises - en question. A condition que celles-ci leur fasse découvrir un peu mieux qui ils sont - profondément.

J’accepte qu’on me secoue si c’est pour me révéler à moi-même. Et donc pour que je devienne plus moi-même, plus conscient de l’être vivant et pensant que je suis au plus profond de moi ou que j’aspire à devenir.

La formation éclot comme une réponse à un appel. Cet appel peut être un appel à l’aide et, plus fondamentalement, un appel à l’être. Un appel à être l’enseignant que je sais plus ou moins secrètement que je suis mais que je n’ose pas montrer, révéler aux yeux de mes collègues, de mes élèves, ni aux miens propres, surtout. Et à faire cette pédagogie que je me sens capable de faire si j’osais, si j’avais le culot de croire vraiment à ce que je crois...

Si je trouve des formateurs ou des groupes de formation qui me révèlent cela à moi-même, me donnent une résonance et le moyen de me réaliser, alors ceux-là auront été personnes ou groupes ressources dans mon auto-formation, dans la formation que j’auto-gère et que j’auto-socio-construis avec les autres. Ceux-ci me renvoient à moi-même tout en confrontant leurs croyances - ce à quoi ils croient - avec les miennes. De ces affrontements (pacifiques) -pourra sortir une nouvelle vision du monde, plus riche, c’est-à-dire à la fois plus complexe et plus flexible (renfermant plus d’information) et pourtant toute provisoire... jusqu’à la prochaine rencontre, rupture et donc découverte.

Bref, on peut concevoir une formation qui ne part pas des lacunes, problèmes ou difficultés, même si c’est la demande explicite, mais plutôt des ressources, talents déjà en œuvre, aspirations...

A moins que, et c’est une autre possibilité, l’on parte des difficultés, ou des échecs même, pour les transformer en sources d’information, donc en sources de succès. Mais ça, c’est une autre histoire (1).

... Une histoire qui concerne tout le monde, et surtout les élèves.
Même ceux pour qui l’on veut faire de la "remédiation". On y revient.
Remédiation continue, en classe, comme on dit dans le 5-8. Mais pourquoi remédier ? L’élève est-il malade ? Dépister, diagnostiquer, remédier : voilà un beau modèle médical. Pourtant, les médecins chinois "aux pieds nus" étaient bien obligés de faire autre chose, eux qui étaient payés si la clientèle était en bonne santé et non si elle était malade.

(1) On pourrait y adjoindre le concept de "relance bienveillante" : comment aider à aller plus loin, à progresser à partir de l’essai incomplet, approximatif, imparfait, et cela dans une ambiance de soutien bienveillant, "d’acceptation inconditionnelle", comme disent les psychothérapeutes ? (note de 2006)
Une enseignante a inventé, avec son équipe, un bulletin où les élèves sont jugés, pour chaque contenu à apprendre, en trois étapes :
• 1. au stade de l’expérimentation, de la recherche.
• 2. en voie d’acquisition ou de maîtrise.
• 3. acquis ou maîtrisé.

Tâtonnement, au stade de l’expérimentation, perfectible sans doute, mais qui a le mérite d’exister, et d’introduire auprès des parents l’idée qu’une notion se construit, avec du temps, au rythme propre de l’enfant et que ses difficultés ne sont autre chose, la plupart du temps, que des tâtonnements grâce auxquels il construira son savoir.

Et si on allait un pas plus loin ? Voir les difficultés rencontrées par l’enfant comme autant de cheminements qu’il est passionnant de décoder, de comprendre, pour comprendre comment l’enfant apprend, plutôt que pourquoi il fait ceci ou cela.

Encore un pas de plus : l’enfant fait-il preuve de "mauvaise volonté", de "paresse" ou même fait-il exprès de se montrer bête ? Cheminements tordus certes, mais cheminements tout de même. Si le chemin serpente, pourquoi vouloir le rectifier avant de comprendre ? S’il serpente, il y a une raison. Avez-vous déjà vu un chemin serpenter sans raison ? Comprendre pourquoi, ou plutôt comment il serpente est le meilleurs moyen d’aider l’enfant. Et puisque tout enfant a toujours sa logique, entrer dans cette logique, sans idées préconçues, je veux dire sans penser tout de suite à remplacer sa logique par la nôtre (meilleure bien évidement !!), permettra à l’enfant de se sentir compris, et à l’enseignant de découvrir quelque chose de nouveau à propos de cet enfant. Et à propos de l’enfance tout court. N’est-ce pas plus profitable que de "remédier" ?

Note

(1) On pourrait y adjoindre le concept de "relance bienveillante" : comment aider à aller plus loin, à progresser à partir de l’essai incomplet, approximatif, imparfait, et cela dans une ambiance de soutien bienveillant, "d’acceptation inconditionnelle", comme disent les psychothérapeutes ? (note de 2006)