Rentrée scolaire 2022 : on nous change notre école... enfin de bonnes nouvelles ! Pourvu que ça dure...
L’occasion pour moi d’un retour en arrière, de me pencher sur mes contributions anciennes. Car c’est un rêve de cette nuit-là, le 29 août, jour de rentrée - mais oui ! - qui m’apporte sur un plateau toute une série de réflexions sur l’écriture, que j’ai essayé de noter.
Dans mes textes, il est souvent question d’accès à la lecture.
Voici de quoi mettre l’accent sur l’écriture.
Comment apprendre à écrire ?
“Tout est dans le cheminement”
En abordant la question de l’apprentissage de l’écriture, je m’inscris dans ces propos de Joseph Stordeur [1]. “La différenciation est d’abord un état d’esprit qui permet de respecter les différences. L’idée est de travailler sur le cheminement des enfants pour qu’ils puissent tous accéder aux contenus essentiels.” Reconnaître les différences, soigner les cheminements d’apprentissage et prendre le temps de répéter.”
En général, tous les enfants ont envie d’apprendre à écrire et à lire.
“L’échec est un problème collectif, pas celui de l’enfant. C’est l’école qui doit changer. Il y a plein de bonnes idées, mais elles sont contaminées par des pensées du siècle passé."
Les enseignants, dit-il encore, sont les premières victimes du système. Face à un discours souvent contradictoire, ce qu’on leur demande est intenable. Il est impossible pour un enseignant de couvrir en une année scolaire tout ce qui figure dans les programmes, sauf de passer vite fait sur certains points. On a vu l’importance de la répétition dans les apprentissages. Mais les programmes à suivre envers et contre tout passent souvent devant ceux-ci.
"Et puis il y a ce qu’on appelle des évaluations, qui sont en réalité des contrôles".
Et trop souvent, ce sont eux qui découragent les élèves, et les empêche d’aller jusqu’au bout de leur cheminement.
“Compte tenu de la situation actuelle, introduire un deuxième intervenant dans les classes est actuellement la meilleure des solutions pour faire de la différenciation”. Cette possibilité est ouverte chez nous depuis septembre 2022 en première et deuxième années primaires.
Après ces quelques remarques préliminaires, voici, pour entrer dans le concret, quelques réflexions afin d’élargir le contexte de cet apprentissage crucial.
1. Du dessin à l’écriture
Tout d’abord, écrire est une activité en continuité avec le dessin. Postulons que l’écriture de l’enfant (et de l’adulte ?) s’inscrit dans le prolongement de son plaisir à dessiner.
Inscrire le début de l’écriture dans cette dynamique est un vrai moyen d’amplifier le sens et le plaisir de l’apprentissage.
Tous les enfants quelque soit leur culture, passent par le dessin de cercles, de spirales ,de roues avec rayons, de croix et d’étoiles, bref des dessins centrés, qui seraient comme des manifestations d’un infini que la plupart des adultes ont oubliés. (mandala) [2]
“Les dessins d’enfants ne seraient-ils pas eux aussi, des repères placés sur le chemin de l’humanisation ?” (Rudolf Steiner)
Entre 1 an et 3 ou 4 ans, l’enfant passe de l’élan rythmique libre aux formes géométriques abstraites. A partir des premiers tourbillons “dessinés” au départ par le tout petit enfant, ses dessins seront comme des représentations de courants énergétiques dont il a besoin pour redresser son corps.
Ainsi, la croix symbolise le fait de se tenir debout dans l’espace.
On peut faire l’hypothèse, avec Gisèle Calmy, d’un cheminement mental et manuel depuis le graphisme spontané jusqu’à l’expression écrite.
Le pictogramme, une pratique un temps préconisée dans les classes maternelles comme une étape de “pré-écriture”, y trouve une place.
2. Lire-écrire
Si la lecture est un apprentissage de la réceptivité, la face active, c’est l’écriture.
L’apprentissage de la lecture ne précède pas nécessairement l’écriture, car les deux sont liés dans une dynamique interactive et circulaire, et se fécondent mutuellement.
C’est parce qu’ils ont envie d’écrire que les enfants avancent dans la connaissance des lettres, des mots et des tournures de phrases. Ils lisent parce qu’ils ont envie d’écrire activement, et ils écrivent parce qu’ils veulent entrer dans le monde de ce qui est écrit, de ce qu’ils lisent, et pour participer à cet univers un peu magique de la langue écrite.
C’est comme un jardin avec plusieurs portes d’entrée, chacun peut en privilégier l’une ou l’autre… [3]
Les enseignants sont-ils des éveilleurs ou seulement des équipementiers et des outilleurs ? Apprennent-ils aux enfants à exploiter l’écrit – lire pour écrire, prendre la parole, donc agir sur le monde, ou seulement à être réceptifs, avaleurs et digesteurs de textes écrits par d’autres, dans une soumission passive ? Font-ils de leurs élèves des consommateurs ou des transformateurs-producteurs, capables de dire non, d’avoir un regard critique, de réagir, par exemple en prenant la plume ?
Combien d’enseignants se préoccupent de tous ces aspects qui forment une sorte de halo autour de l’apprentissage proprement dit ? [4]
3. “Est-ce que tu peux marquer sur ce papier..."
Demander aux enfants d’écrire des mots (ou plutôt de “marquer”) bien avant qu’il sache “écrire” tel qu’on apprend à l’école, est une démarche stimulante, joyeuse, étonnante et souvent renversante.
C’est ce que Jean-Marie BESSE appelle des "écritures productives", écritures produites par l’enfant sans modèle (et qui s’opposent ainsi aux "écritures reproductives”). Fijalkow parle “d’écriture inventée” (1994)
La demande de production d’écrit adressée à l’enfant ne parle pas d’écriture. : “Est-ce que tu peux marquer sur ce papier…”
Le travail de recherche s’efforce de préciser comment se fait la re-découverte par l’enfant des propriétés du langage écrit.
Le chercheur essaie de créer les conditions d’une expression aussi personnelle que possible de l’enfant, en essayant d’éviter de lui demander des écrits qui ne seraient qu’une reproduction de ce qu’il a vu.
Des activités en classe pourraient s’inspirer.
“Une certaine tradition "pédagogique", inspirée avant tout par l’idée que présenter à l’enfant - ou tolérer chez lui - des formes "fautives" ne peut que l’encourager à une manière de laxisme orthographique, ne "lira" ces écritures que comme autant d’erreurs, puisque cette tradition ne prend en compte, comme critère d’analyse de ces écritures, que "ce qui leur manque pour être correctes.
Mais il est au contraire possible de considérer ces écritures comme des "essais", une manière de tester des hypothèses sur la langue, sans qu’il soit question pour autant de leur donner un autre statut (puisque ce sont des productions insatisfaisantes, non durables, illisibles le plus souvent en dehors de leur contexte de production).”
“nous postulons, dit Jean-Marie Besse, que le jeune enfant nous donne à comprendre comment il essaie de "penser" cet objet relativement opaque qu’est la langue écrite. Et c’est un travail cognitif entrepris très tôt chez la plupart des enfants.” [5]
exemples : 1er stade, Laetitia, et Grégory [6]
Voir Jean-Marie Besse : LES PALIERS DE CONSTRUCTION DE L’ECRIT [7]
4. Le Dessin de forme
Venons-en à un autre aspect de l’apprentissage et de la formation des lettres.
Les lignes de “a”, de “i” ou de “o” dans un cahier, plaira aux uns et rebutera les autres.
Pa sûr que les plus créatif y trouvent leur compte.
C’est sûr qu’il faut exercer la dextérité manuelle et que la répétition est un bon moyen d’ancrer les gestes qui resteront toute une vie. Mais il y a d’autres manières de faire, et par exemple les exercices progressifs du “Dessin de forme”.
Le Dessin de forme [8] propose une progression ludique passant d’une simple ligne droite horizontale droite qui ondule petit à petit, formant de petites puis grandes vagues, puis des boucles, des entrelacs de plus en plus complexes qui délient peu à peu la main enracinent la maîtrise du geste, du mouvement, des bras et des mains et aide l’enfant à développer une compétence gestuelle, artistique qui lui fera apprendre à former ses lettre avec une plus grande facilité.
C’est une pratique habituelle dans les écoles Steiner.
5. Le plaisir de la belle écriture
Puisque je suis à évoquer les écoles Steiner, j’ai toujours été épaté par la beauté des cahiers scolaires, la richesse de leurs couleurs et leur créativité. D’emblée l’enfant baigne dans la beauté et son écriture prend dès le départ une coloration artistique. Il écrit, comme il dessine, avec plaisir. Et son écriture comme ses cahiers sont souvent de petites œuvres d’art.
Et pourquoi ne pas expérimenter la calligraphie, pour retrouver le plaisir de dessiner en écrivant ?
Différentes civilisations développent des apprentissages de la calligraphie et la maîtrise des outils pour la réaliser.
Peut-être cela mène-t-il à faire attention à son orthographe. Si je soigne une calligraphie et passe du temps, par exemple à bien faire une affiche, c’est désolant de devoir tout recommencer parce qu’il y a une “faute”…
Cela va de pair avec le choix des outils d’écriture. Un support n’est pas l’autre, les papiers diffèrent les uns des autres, comme les outils d’écriture. Certains préfèrent un crayon dur, d’autre, un 2B… Et si tel crayon va bien sur tel papier, il ne va pas bien sur tel autre.
Dans certaines classes, on impose le porte-plume, pourquoi ?
Et souvent, l’emploi des couleurs n’est pas permis dans le cahier. Pourquoi ?
À Cuba j’ai vu dans les écoles que les enfants travaillaient avec du matériel fabriqué à la maison : pochettes (et, notamment en mathématiques, avec du matériel - abaques, jetons, boutons…) choisies et fabriquées en famille : chaque élève avait ainsi son propre matériel, personnalisé, avec en prime, un lien affectif l’accompagnant en classe dans ses apprentissages.
Encore un mot à propos des écoles Steiner. La beauté de l’écriture, la beauté du processus d’apprentissage ne vont pas sans la qualité et la beauté du matériel utilisé.
Pas de gadgets en plastique : tous les objets d’apprentissage, outils de dessin et d’écriture, chiffres, abaques, cubes et formes, instruments de musique, matériel de bricolage, jeux, poupées et personnages, ameublement et décoration de la classe, … sont en matériaux nobles, naturels, en bois le plus souvent, les formes sont recherchées visant à être belle. Belles, donc vivantes, apaisantes, favorisant l’intériorité, si je puis me permettre ce mot !
“Manuscrire”.
Un petit mot sur la vigilance à avoir dans l’utilisation des outils informatiques.
J’espère que personne n’imagine faire apprendre à écrire aux enfants sur des machines électroniques ! Quel gâchis ce serait !
La craie et l’ardoise, pourquoi pas, si le papier venait à manquer, déjà hors de prix dans beaucoup de pays !
6. Écrire dans la nature
J’en viens tout naturellement au lien entre l’apprentissage et la nature.
Apprendre dans la nature, dans le jardin de l’école (si elle n’a pas la chance d’en avoir un, la bonne idée serait d’en créer un avec les enfants. Ce serait l’occasion de remplacer le ciment par des arbres).
Apprendre en lien avec la nature, éventuellement dans la nature, dans les bois : parler, lire, et écrire en s’adressant aux arbres, aux fleurs, aux animaux, ou à telle ou telle plante et les faire parler : écouter et écrire ce qu’ils disent, inventer des dialogues avec la nature.
Il y a aussi matière à repenser certaines activités d’apprentissage de l’écriture avec des éléments naturels, dans le sable, avec des morceaux de bois, des cailloux ou des coquillages, avec ses gestes et tout son corps.
On peut faire référence à la pratique de l’eurythmie [9] dans les écoles Steiner…
Dans une classe de première année primaire, l’institutrice faisait écrire les lettres dans l’espace avec les bras, les mains, les pieds, avec tout le corps, avant de transcrire sur le papier, et travaillait la visualisation.
La visualisation, ce n’est pas seulement imaginer, c’est aussi utiliser de ce que j’ai appelé les “sens internes” pour aider l’apprentissage : “voir dans sa tête” ; entendre (“auditif interne”), sentir, goûter non pas avec nos sens externes, mais en évocation mentale. C’est un trésor pour l’apprentissage, comme l’ont montré la PNL (Programmation Neuro-linguistique), la Gestion mentale, la kinésiologie, la sophrologie, etc.
(A ce sujet, voir l’incontournable de Linda Williams : “Deux cerveaux pour apprendre, le gauche et le droit”, Ed. d’Organisation, 1996) [10]
7. Le passage au sens.
Celui-ci vient quand l’enfant découvre la nature alphabétique de la langue, quand le “déclic” se fait.
“L’enfant découvre la nature alphabétique de la langue quand il a compris le principe du système alphabétique (qu’il existe une relation entre le mot écrit et le mot dicté).
L’enfant fait d’abord l’hypothèse que chaque lettre écrite correspond à une syllabe orale. Il abandonne rapidement cette hypothèse et s’aperçoit que la distinction se situe non pas sur le plan de la syllabe, mais sur celui des sons. C’est le début de la découverte du système alphabétique.
“Très peu d’enfants de la maternelle arrivent au stade de la découverte du système alphabétique ; cette découverte caractérisera plutôt le lecteur débutant. Cependant, comme il y a probablement dans les classes maternelles des enfants qui parviendront à cette découverte au cours de l’année, il est important que les enseignant(e)s connaissent l’ensemble des stades de développement afin de donner à ces enfants le soutien approprié.” (Jocelyne GIASSON)
Cela n’a pas de sens de forcer ce déclic, de le programmer pour toute la classe en même temps, car l’âge du déclic varie très fort d’un enfant à l’autre.
Il se fait parfois en maternelle, souvent plus tard, en première ou deuxième primaire, et parfois pas du tout, au grand désespoir des enseignants des parents et de l’enfant lui-même : pourquoi ne comprend-t-il pas que les lettres qu’il a lu ou écrit et qui forment un mot signifie quelque chose, correspondent au son “cha”, qu’il soit orthographié “chat” ou non, et qu’il renvoie à animal qu’il connaît bien ?
“Une des découvertes que doit faire l’enfant dans sa démarche d’appropriation de la langue écrite est celle qui consiste à reconnaître que, contrairement à l’oral, la lecture demande une analyse des mots. Il doit se rendre compte qu’il existe une relation régulière (jusqu’à un certain point) entre l’oral et l’écrit. Il doit comprendre que cette relation entre le mot oral et le mot écrit s’établit par des unités inférieures au mot, c’est-à-dire des syllabes, des parties de mots, des phonèmes. Bref, il doit découvrir la nature alphabétique de la langue.
D’après des études réalisées avec des enfants de première année, relativement peu d’entre eux ont fait cette découverte avant d’entrer à l’école.
pour certains enfants, cette découverte sera plus difficile ; moins l’enfant aura développé sa conscience phonologique, plus il faudra l’appuyer ("étayage") dans sa découverte du système écrit.”(Jocelyne Giasson)
8. Lorsque l’équilibre psychique est remis en cause par l’apprentissage…
Ce que Serge BOIMARE [11] évoque peut déjà se constater dès l’école fondamentale. Pour un tas de raison culturelles, familiales, émotionnelles, certains enfants ou ados bloquent devant les apprentissages, ou s’insurgent."Parasitages émotionnels ou relationnels" dit Serge Boimare.
« T’as pas à me commander, t’es pas mon père ». « La grammaire c’est bon pour les bouffons » « J’peux pas réfléchir quand il y a du silence »…
Comment peut-on conserver notre identité de pédagogue, lorsque nos élèves abordent les savoirs sans avoir pu mettre à distance les parasitages émotionnels ou relationnels qui pervertissent la situation d’apprentissage ?
Nous risquons de transformer ces craintes en attaque du cadre ou en incompétences notoires, car nous ne leur offrons pour seule issue que de se diluer dans des idées de persécution, d’abandon, ou de dévalorisation excessive, qui font des cocktails particulièrement explosifs lorsque ces enfants sont en groupe.
“Si les enfants qui refusent d’apprendre, n’arrivent pas à utiliser leurs peurs dans un contexte constructif, nous devons le prendre en compte, et veiller à proposer un élargissement de la figuration de ces peurs avant de solliciter l’exercice de penser.
Faire en sorte que les inquiétudes deviennent partageables : le rôle de la médiation culturelle.
Comment faire pour que l’objet de l’apprentissage ne devienne pas la cible de projections parasites, ne soit plus chargé de tout ce risque et ce maléfice ? “
“Plus j’avance dans ce métier, et plus je suis persuadé qu’il n’y aura pas de sortie d’un échec lourd, comme celui que vivent ceux qui n’ont pas réussi à assimiler les bases de la scolarité primaire, sans prise en compte des images et des sentiments qui les animent dans la situation d’apprentissage. A condition bien entendu de trouver la voie qui va permettre de les atténuer et de les rendre fréquentables pour que l’exercice de penser devienne enfin possible en leur compagnie.” (Serge BOIMARE, Directeur Pédagogique du Centre Claude Bernard - Paris) [12]
9. On n’apprend pas tout seul.
Un des remèdes à ces blocages et ces peurs d’apprendre, c’est bien entendu cet aspect essentiel que l’on n’apprend pas tout seul, mais avec les autres, par les autres, ensemble : en cherchant ensemble, en se corrigeant mutuellement, en discutant entre apprenant pour savoir comment écrire telle ou telle mot.
J’ai vu en première et deuxième primaire combien ce foisonnement de discussions était profitable à des ancrage définitif de l’orthographe : ce n’est plus le maître qui dit, qui dicte comment il faut ou, pire, comment il aurait fallu écrire tel ou tel mot, c’est ensemble qu’on se constitue un vocabulaire, un lexique, une bibliothèque de mots qu’on a appris ensemble (on parle de “capital mots”, je préfère parler d’un trésor de mots). Bien sûr le maître n’est pas absent. Sa présence est indispensable, il est le référent, tranche les “différends” (il est intéressant ce mot, qui a la même étymologie que “différent”…), cautionne et surtout est témoin du processus d’apprentissage de chacun, prêt à intervenir au cas par cas, en cas de besoin.
Car il y a des pannes, des laissés pour compte, des largués, des “je ne comprends pas, m’sieur ou m’dame”. L’enseignant est en deuxième ligne, en quelque sorte, car bien sûr c’est l’enfant qui est en première ligne. Cet accompagnement scolaire (coaching), c’est la plus efficace des méthodes d’apprentissage (Albert Bandura). [13]
10. Et les fautes ?
Ne passons pas sous silence une aberration d’un autre âge : vouloir tout de suite que l’enfant écrive sans faute “pour éviter – ce n’est pas une blague – qu’il fixe dans sa mémoire de fausses graphie des mots. Or, tout le monde devrait savoir que l’apprentissage procède par essais et erreurs, et que c’est en se trompant qu’on apprend. En pédagogie il n’y a pas de “fautes” (plus précisément, il ne devrait pas y avoir de “fautes”), mais seulement des erreurs instructives, prise en main par un adulte. C’est en voulant que je parle flamand sans faute on m’a empêché d’apprendre des langues étrangères et freiner mes capacités d’expression linguistique. Dieu sais d’ailleurs combien de talents artistiques, dessin, musique, danse…, ont été bousillés par les exigences bien intentionnées et parfois brutales des éducateurs.
Incontournable à mon sens est l’ardoise ou le tableau effaçable sur lesquels l’enfant peut faire disparaître tout de suite ses essais d’écriture ou ses erreurs de calcul avant qu’un adulte ou un autre élève ait vu ce qu’il a écrit ou fait, et recommencer autant qu’il veut jusqu’à un résultat qu’il juge présentable. Donc pas de jugement, donc pas de stress. On est loin de l’habitude que j’ai tellement vue, où l’enseignante maternelle ramasse et conserve (par obligation) dans une farde TOUS les travaux de l’enfant (pour montrer aux parents sa progression)
Mais peut-être que maintenant les choses ont changé... (?)
11. Écrire, c’est écrire à quelqu’un
Écrire, c’est écrire à quelqu’un qui va lire ce que j’ai écrit, où à moi-même. Donc il faut que j’écrive lisiblement. Pour moi-même aussi. Est-ce que je sais me relire ?
Est-ce que la forme de ma phrase est lisible, mes phrases fluides, est-ce que l’agencement des mots et la ponctuation permet aux lecteurs de lire mon texte à haute voix, comme en lecture silencieuse (il y aurait mouvements silencieux des cordes vocales quand on lit) ? Si ma phrase est rêche, heurtée, rocailleuse, elle ne sera pas facile à lire, elle ne coulera pas de source. Plus tard, l’enfant apprendra à écrire de la poésie, il pourra devenir sensible à la musique des mots, aux sons harmonieux, au rythme…
12. Maîtriser différentes façons de s’exprimer.
Et puis un pas plus loin, pour plus tard. Quoique... il n’y a pas d’âge pour commencer à "bien écrire", donc à "bien penser" !
Si écrire, c’est être lu, il faut aussi être compris. Ce n’est pas seulement une question de formation de lettres c’est aussi une question de formulation de la pensée. Est-ce que la façon dont je m’exprime par écrit est compréhensible ?
Et se pose la question de qui est mon lecteur, mon interlocuteur, car je ne vais pas écrire de la même façon selon que je m’adresse à un copain, à un groupe de correspondant de mon école, d’une autre école de mon village, de mon pays ou à l’autre bout du monde, à un parent d’élève, à un adulte, ou à un inspecteur…
Il faudra que j’apprenne à adapter mon langage écrit, mon style, à maîtriser différentes façons de m’exprimer par écrit.
Pour la suite de la scolarité…
Si l’enseignement est bien conçu, l’apprenant ne va pas seulement étudier la poésie, le théâtre ou la rhétorique, il va pouvoir s’exercer à écrire dans ces différents régistres.
Il pourra apprendra à écrire sous une forme scientifique, sous une forme juridique, ou administrative, à utiliser l’argot ou un langage populaire, à s’adresser à un public enfantin…
Les possibilités d’expérimenter les différentes façon d’écrire seront multiples. Si la créativité n’a pas été perdue en route, elle sera toujours de la partie !
Mais cela c’est une autre histoire !
Michel Simonis, 30 août 2022