Inspiré de Rudolf Steiner, le travail de "peinture sociale" révèle l’importance respective prise par les forces vitales du développement de l’enfant, (pensée, sentiment, volonté), trois aspects intimement liés tantôt dans l’unité et l’harmonie, tantôt dans la suprématie d’un domaine sur les autres, selon la synergie de chaque groupe.
Dans la discussion et la théorisation, on pourra jouer avec ces concepts, et construire d’autres triangles qui prennent sens et élargissent les concepts, comme par exemple, l’axe du développement du moi (logique d’apprentissage), l’axe de la gratuité (logique de choix et d’autogestion ) et l’axe de l’implication dans le milieu (logique de production), trilogie qu’on trouve dans les programmes de l’enseignement fondamental (du libre).
Expérience de construction d’une solidarité dans le travail d’équipe, qui se construit petit à petit, organiquement, comme grandit une plante.
Peut s’y ajouter un niveau communautaire, la tri-articulation sociale : la synergie entre les trois forces, toujours selon Steiner, (liberté, égalité et fraternité).
PEINTURE SOCIALE
Première partie
1. Travail classique de peinture sociale en groupe de 3 ou 4 en silence avec un seul pinceau, puis partage libre au sein de chaque petit groupe sur ce qui s’est passé (mise en mots).
a. peinture 30 min.
b. écriture d’un texte qui commence par "pinceau, je suis passé de main en main…" 10 min.
(Isabelle)
c. partage au sein du groupe de peinture sur ce qui s’est passé pendant la séance de peinture. 15 min.
(Isabelle)
2. Distribuer le texte qui suit, à faire lire en silence au sein de chaque petit groupe.
Un premier mouvement est celui d’une force orientée vers l’avant, qui cherche le contact avec l’autre ou avec la matière et permet la plongée dans l’acte de faire – ici de peindre : c’est une avancée qui, dans une impulsion volontaire, nous met en contact avec notre imaginaire et notre imagination créatrice. C’est l’élan, le projet.
Un second mouvement est celui du recul, de la prise de distance – permis ici par l’attente du prochain tour : regarder, dans un mouvement de retrait, nous met en contact avec nos représentations mentales, souvenirs et concepts, et nous entraîne vers l’abstraction.
Il y a donc dans la vie émotionnelle qui s’exprime dans la peinture, (sentiments) , un va et vient constant entre l’impulsion volontaire (volonté) et le recul "qui élève l’image au niveau de la représentation" (pensée)
" Lorsqu’on peint, il faut que les deux courants soient dominés par le Je, qu’ensuite ils se fondent en une unité, c’est-à-dire en une image. Lorsque nous peignons, nous sommes véritablement des "danseurs de corde" : il nous faut laisser se fondre constamment les représentations, les faire ressusciter dans le sentiment sous forme de couleur, et les extérioriser avec l’aide de la volonté. Cette volonté est à nouveau transformée en image. C’est un véritable équilibrisme entre les forces de la représentation, qui tendent à l’abstraction, au linéaire, et celles de la volonté qui impétueusement s’élancent vers l’espace où elles engendrent la forme plastique. Dans cette respiration, cette alternance constante, l’âme se fortifie, elle attire invisiblement le Je vers son centre, entre "aller vers" et "s’éloigner de", et respire sainement dans ce balancement.
La vie de la couleur amène ce mouvement où alternent l’avance et le recul. Elle est le critère d’un rapport sain avec le monde environnant, le creuset où fondent une vie de la représentation envahissante, les souvenirs trop fixés dans la mémoire, elle nous entraîne constamment par la sympathie et l’imagination, hors de la représentation vers la volonté, du passé vers l’avenir."
(Margarethe Hauschka, in "La peinture thérapeutique", Ed. Triades, Paris, 1989)
Ces trois aspects
– sentiments (exprimés par la force vitale de la couleur)
- pensée (représentations, souvenirs et concepts)
- volonté (l’impulsion ou ce qui s’élance vers la lumière ou comme projet),
vont apparaître dans des combinaisons différentes d’un groupe à l’autre. On pourra en retrouver les proportions différentes dans chaque peinture.
Puis demander de partager sur le texte puis sur l’oeuvre peinte à partir du texte. 20 - 30 min.
Inviter chaque groupe à aller voir les autres peintures 10 - 15 min.
"Chacun est invité, à partir de cette grille de lecture,
– à repérer les différences entre les peintures ;
– à construire sa perception des trois "forces" en présence dans l’oeuvre de chaque groupe,
– puis d’en discuter avec les autres,
– enfin de confronter cette vision avec le vécu de chaque groupe.
"Mettre l’accent sur les différences entre productions pour élaborer une conceptualisation" (Odette Bassis, p. 84)
ECHANGE EN GRAND GROUPE
Théorisation et élargissement du concept :
1. sur le plan individuel :
Respecter les forces vitales de l’enfant.
Équilibrer sa pédagogie.
Socio-construction (faire à plusieurs est plus productif, plus riche) et respect de la "zone proximale de développement" (faire à plusieurs avant de savoir faire seul)
Qu’est ce qu’une "vie de la représentation envahissante", "les souvenirs trop fixés dans la mémoire", le trop "linéaire" ? en quoi cela peut-il être néfaste et donner lieu à réajustement ?
Que serait au contraire une "impulsion trop impétueuse" et en quoi cela pourrait-il être tempéré par plus d’ancrage dans "les souvenirs et les concepts" ?
Aspect thérapeutique, réquilibrant du va-et-vient entre les deux dans le peinture sociale.
Comment le "Je" qui est au centre, entre passé qui tire en arrière et avenir qui précipite en avant peut-il rétablir l’équilibre, retrouver justement son centre pour "rétablir un rapport sain avec le monde
environnant ? 30 min.
Relance, pour passer au second niveau d’analyse.
2. sur le plan "communautaire" (la vie d’équipe) :
Construction d’une solidarité dans le travail d’équipe.
En quoi ce qui a été vécu ici apporte une expérience (des sentiments vécus, des concepts et/ou des projets) pour le travail d’équipe ?
Au delà du regard porté sur les peinture collectives, peut-on se donner cette possibilité d’analyse pour un travail d’équipe donné ? à un moment particulier (en évitant d’enfermer l’équipe dans un modèle immuable, bien entendu) ?
Peut-on appliquer cela à telle activité d’une équipe enseignante, d’un groupe classe, d’une co-animation, d’une école comme entité, d’un couple ou d’une famille...)
SCHEMA HEURISTIQUE INDIVIDUEL sur A3 (feuilles préparées)
Expliquer le processus.
Phase personnelle sans affichage, 15 min.
– soit en fonction du temps disponible, THEORISATION FINALE
TRIANGLE DE LA MATRICE DE SECURITE.
– Soit dernière relance, pour passer à un troisième niveau d’analyse.
3. sur le plan social :
Texte sur la triarticulation sociale.
Lecture, discussion et théorisation 30 - 45 min.
Le saut, le passage est-il seulement métaphorique (comme Nouyrit le pense) ou bien y a-t-il quelque chose de plus profond dans la prise en compte de ces trois forces ?
- l’idée qu’il s’agit de trois forces, qui agissent en unité et en équilibre ?
- l’idée que la dimension culturelle reprend les trois forces mises en jeu dans la peinture sociale ?
- l’idée que la peinture sociale peut aider à rééquilibrer les forces des trois "partitions" sociales ?
- l’idée qu’on peut aussi retrouver la tripartition dans un corps social plus restreint comme une école, un mouvement comme le GBEN, une classe, voire une équipe ? (aspect juridique (le droit à l’école, la forme que doit y prendre l’égalité ), aspect culturel (liberté d’expression personnelle), aspect commercial (gestion financière dans une optique de concurrence ou de fraternité ?)