Corps et esprit ne font qu’un. A partir du corps, on arrive à commander à l’imagination, aux émotions et aux pensées. "Que le corps et l’esprit vivent ensemble et se développent de même. Il est faux et mauvais de ne vivre que par l’esprit". Pour Vittoz, de petits exercices pour réapprendre à utiliser nos cinq sens, voir, toucher, sentir, entendre, ressentir, permettent d’influencer son psychisme. Inversément, apprendre à contrôler ses images mentales, permet de débloquer le psychisme et les contractions du corps.
Méthode de rééducation du contrôle cérébral, la psychothérapie élaborée par le docteur Roger VITTOZ, médecin suisse né en 1863, mort en 1925, trouve son originalité dans la notion de reconstruction consciente de la personnalité qu’elle apporte au patient.
Elle comprend deux temps, un aspect fonctionnel et un aspect psychique.
Aspect fonctionnel
• L’aspect fonctionnel consiste tout d’abord à rééduquer la perception des sensations d’existence. Le patient est invité, d’une façon directive et contrôlée, à être réceptif à tout ce qui l’entoure. Ce sera une véritable éducation sensorielle dans laquelle tous les sens seront sollicités, la vue, l’ouïe, le goût, l’odorat, etc. Il ne s’agit pas d’un conditionnement ; au contraire, le patient apprend à découvrir sa propre sensation dans un état de disponibilité mentale et physique, à être présent.
La forme de l’exercice thérapeutique est simple, clairement expliquée. Par exemple : dans un exercice de toucher, il est amené à découvrir l’objet dans sa réalité existante au travers des sensations qu’il éprouve à son contact. Il n’y a pas une activité intellectuelle abstraite, il y a par contre un renforcement de l’état de vigilance car une plus grande réceptivité à la sensation proposée. “Il ne suffit pas de dire au malade ce qu’il doit faire, nous dit Vittoz, il faut le lui montrer” ; d’où la place importante des exercices et de la technique dans l’application de la méthode.
Dans cet aspect d’éducation sensorielle, nous pouvons constater que le patient, sous l’effet de l’induction et du climat de confiance qui lui est proposé, diminue ses capacités réactionnelles, mettant en quelque sorte son organisme et son cerveau eu repos (confirmation en est donnée par une modification des réflexes ostéo-tendineux et des autres donnée physiologiques).
• Toujours dans cet aspect “fonctionnel” de la méthode, nous trouvons le second facteur de notre équilibre biologique : l’émissivité. Pour Vittoz, “la pensée est émissive, la conscience réceptive”, aussi est-il naturel que cette seconde étape ne soit proposée qu’après une longue et complète rééducation sensorielle.
Ici encore, Vittoz insite sur l’aspect éducatif, en apprenant au patient à concentrer sa pensée sur des images mentales simples, qu’il pourra contrôler aisément…
Les images mentales proposées à titre d’exercices sont de type visuel simple ; exemples à caractère mathématique le chiffre un, le signe de l’infini, d’autres plus concrets. une allée d’arbres. Leur rôle est de délimiter le champ de la pensée consciente en excluant toute autre pensée. Le patient exerce un véritable contrôle sur lui-même en fonction de la précision des données de l’exercice.
La progression de l’exercice va dans le sens de l’élimination. Après avoir appris à centrer sa pensée, à écrire mentalement des chiffres ou des lettres. on apprend à les éliminer, c’est-à-dire à les retirer volontairement du champ de sa pensée : on les efface comme on les a écrits, réalisant le contrôle le plus complet sur notre émissivité consciente, prélude à l’élimination des traumatismes affectifs mal intégrés.
Autre dimension de l’émissivité : l’acte conscient qui est une action voulue, sentie, affirmant notre réalité au monde. Par l’habitude de réaliser des actes simples de la vie quotidienne en les ressentant, il va se produire une véritable prophylaxie du geste incontrôlé qui est souvent source d’angoisse à posteriori. Le patient surmené qui ne sait plus s’il a fermé la porte avant de descendre l’escalier va remonter quatre et cinq fois pour le vérifier, augmentant son agitation et son angoisse. En posant des actes conscients, sentis, le malade va réaliser qu’il existe, mais aussi qu’il est capable de réaliser ce qu’il désire. (p. 162)
Aspect psychique
“Ce n’est qu’après un long apprentissage du moment présent que l’on peut aborder avec calme notre inconscient”. (Albert Danilo), ce qui veut bien dire que ce stade arrivera tardivement dans le traitement. Et. dans de nombreux cas, ce “traitement psychique”. comme l’appelle Vittoz. n’a pas lieu par manque d’indication.
La médiation du Vittoz en pédagogie
Enseigner aujourd’hui est difficile. Le métier exige des qualités qui vont audelà de la seule maîtrise des contenus de formation. Etudier, pour les jeunes, est un parcours semé d’embûches, dans le contexte social et culturel actuel. La réussite de la formation ne peut aboutir que dans la construction commune du parcours par les enseignants et les élèves.
L’apport spécifique de la méthode Vittoz en pédagogie, proposé dans ce livre, vient de ce qu’elle peut fonctionner comme une médiation dans ce projet. Délibérément optimiste, elle parie sur les potentialités des uns et des autres, non pas de manière abstraite, désincarnée mais en proposant des pratiques concrètes de formation accessibles aux enseignants et aux élèves qui les mettent en œuvre.
La méthode Vittoz développe la conscience, la présence à soi et au monde extérieur, fait se réapproprier son énergie. Elle aide les enseignants et les élèves à mettre en place le fonctionnement "juste" de la réceptivité et de l’émissivité, cela par une pratique d’exercices simples, ajustés à chaque situation pédagogique. Les expériences relatées dans ce livre montrent l’action efficace de cette pratique sur les facultés d’attention, de mémoire, de concentration, facultés qui sont capitales dans la réussite des apprentissages, quels qu’ils soient.
En éducation, il n’y a pas de panacée. Le processus de formation est si complexe, par les dimensions personnelles, relationnelles, institutionnelles, sociales, culturelles qu’il met en œuvre, qu’il ne peut relever de recettes magiques. La méthode Vittoz propose un sens mais elle est attentive au rythme de l’élève, à la construction progressive de son projet. Elle est une pédagogie de la considération. C’est le jeune lui-même qui est le centre de gravité de la formation.
Au delà, et dans le prolongement de la pratique concrète des exercices, la méthode Vittoz appliquée à la pédagogie ouvre à la construction de lapersonnalité des élèves. L’impact d’un exercice, d’une prise de conscience ne peut être mesuré qu’en fonction de ce qu’ils représentent, à un moment donné, dans l’histoire d’une personne. Beaucoup d’exemples analysés dans ce livre en témoignent. Les pédagogues sont attentifs à cette dimension plus profonde que l’objectif pratique immédiat du projet pédagogique, dimension qui surgit sans qu’elle ait été prévue. C’est l’une des richesses du métier.
Les analyses proposées dans la troisième partie de cet ouvrage éclairent ce que la méthode Vittoz mobilise comme potentialités dans la formation, au- delà de son efficacité fonctionnelle immédiate. La neurophysiologie, la
La pédagogie va au delà de l’intégration d’apprentissages, elle est aussi construction de soi.
LA METHODE VITTOZ
Corps et esprit ne font qu’un. A partir du corps, on arrive à commander à l’imagination, aux émotions et aux pensées. "Que le corps et l’esprit vivent ensemble et se développent de même. Il est faux et mauvais de ne vivre que par l’esprit". Pour Vittoz, de petits exercices pour réapprendre à utiliser nos cinq sens, voir, toucher, sentir, entendre, ressentir, permettent d’influencer son psychisme. Inversément, apprendre à contrôler ses images mentales, permet de débloquer le psychisme et les contractions du corps.
Le premier stade de l’acte conscient, c’est la conscience des sensations du présent : un état actif qui demande d’être capable de confiance, d’abandon, de patience et de gratuité. Par exemple, sentir ses pieds au contact du sol, toucher des objets, sentir, regarder, prendre conscience de ce qu’on ressent au lieu de voyager dans sa tête, avec des mots qui nous coupent de la réalité vécue et ressentie, cela permet de rester dans le présent au lieu de se laisser aller à l’imagination. Cela permet de maîtriser l’angoisse.
Le second stade, c’est une concentration qui libère l’énergie dont nous avons besoin au moment voulu et la dirige sur le point précis que nous voulons. Souvent, nous gaspillons nos forces, nous sommes préoccupés par trente-six choses, trop d’images s’imposent à nous.
Et nous avons besoin d’apprendre à contrôler les images mentales : à éliminer les images parasites, à en orienter d’autres vers le but désiré, à se créer des images mentales positives, à puiser dans les images-souvenirs qui sont utiles à ce moment-là.
Le troisième stade de l’acte conscient est l’acte de décision.
C’est à dire exprimer notre volonté de manière créative. "La volonté n’est pas un effort, une tension : c’est l’épanouissement d’une énergie qui est en nous, indépendante de nos idées, une énergie libre, indépendante et intelligente, que nous déclenchons par une décision.”
La réceptivité consciente, la concentration émissive et la décision doivent être vécues par le corps entier. Et apprendre à mieux se situer dans son corps, à l’habiter, à devenir conscient de ses attitudes et de ses mouvements, développera nos possibilités et épanouira notre personnalité. Vittoz nous apprend à agir et à contempler. A ne plus nous laisser prendre par le nécessaire immédiat mais à retrouver le nécessaire essentiel. A assumer le quotidien sans se laisser absorber par lui mais en le mettant au service de notre vocation profonde.
D’après Henri BURY, Vers le calme intérieur (Méthode Vittoz), Ed. SBO/RTM 1980,