Il y a près de deux ans déjà, un projet m’est proposé par les amis du LIEN INTERNATIONAL D’EDUCATION NOUVELLE, d’écrire à plusieurs mains 4 pages sur le sujet du "CORPS A L’ECOLE", à inclure dans la revue DIALOGUE du GFEN : Oleg, de Russie, Jalila et Heger de Tunisie, Mélanie du Luxembourg, entre autres, sont pressentis pour écrire quelque chose. J’ai commencé à écrire et à puiser dans mes trésors accumulés : pratiques, expériences, textes, notes et références...
Les 4 pages en deviennent 50...
Puis je crois le projet abandonné et tout part dans mon grenier (et sur un disque dur).
Et voilà que le projet ressurgit. Mais quatre pages, c’est quelques milliers de signe, moins de 3000 par personne... Que faire de tout le reste ? ICI, peut-être ? Et sur le site du LIEN ?
Voici donc quelques pistes...
Ma réflexion m’avait amené au coeur des apprentissages.
Avec deux questions :
– quelles sont les raisons de la résistance du système scolaire occidental - mais toute la planète en subit l’influence - à faire entrer vraiment une composante corporelle au coeur même des apprentissages ?
– Et puis quelles stratégies mettre en place pour que ça change ?
“L’actualité nous rappelle que les questions du respect des personnes (enfants, adultes, garçons, filles, LGBTI) , des agressions diverses, de la marchandisation du corps, de l’intimité se posent aujourd’hui de façon violente. Que faisons-nous ? Que disons-nous ? Que proposons-nous du point de vue international ?” nous précise Michel Neumayer dans la demande du Lien.
Le grand bond n’a pas encore eu lieu
Le corps à l’école, oui, bien entendu, mais à la marge, comme les autres choses pas sérieuses, le dessin, la musique, la gym, le théâtre… Il est bien plus important de consacrer le précieux temps disponible à faire des choses sérieuses, pour préparer une vie adulte rentable. La réticence, en effet, n’a jamais été dépassée, remisée au grenier des vieilles croyances.
Règne encore la peur de “débrider” les corps, ne pas oser aller en exploration si on craint de ne pouvoir assurer des limites à ne pas dépasser, de ne pas être capable de les faire respecter. Il faut éviter les débordements qu’on n’est pas sûr de pouvoir gérer. Les enseignants savent combien il est difficile de reprendre en main une classe qui est partie dans l’excitation débridée.
Il s’agit donc de gérer tout cela habilement.
Il serait passionnant de décortiquer la résistance, de voir jusqu’où elle remonte, historiquement, quels sont les heurts et les avatars qu’elle a connu, en parallèle avec quels autres phénomènes, quels ont été les va et vient dans les différentes méthodes d’apprentissage.
Pour avancer, je replonge dans les années ’80.
Fasciné par ce que j’avais lu dans un petit fascicule de 20 pages, synthèse d’une conférence de Jean Houston donnée à Bruxelles cette année-là, en 1980, traduit et diffusé par Michel Katzeff, dans son centre appelé “Multiversité”, me voilà en train de bouquiner, cherchant des livres sur l’éducation multi-sensorielle, quand je tombe en arrêt devant un livre qui venait d’être traduit et publié en français, “L’enfant magique” de Joseph Chifton Pearce.
Et je dévore - ouvrant tout grand les yeux - ce livre de Jo Pearce, qui oriente et fonde mon travail pendant les dizaines d’années qui ont suivi, m’inspirant une série d’exercices destinés à faire entrer les participants dans la “magie” de cette (nouvelle) vision de l’éducation.
J’ai alors développé des ateliers qui aidaient les participants à développer leur capacité à se faire des images, à ressentir par les cinq sens, à être créatif, à retrouver leur spontanéité d’enfant "d’avant les messages de sorcières” comme le disait Marie Pré, ces messages véhiculés par l’éducation et l’école et stérilisant la créativité et l’imagination. J’étais frappé par la pauvreté des dessins et de la créativité des élèves de fin de primaire, en comparaison avec leurs productions et leur créativité en classe maternelle.
Cette perte de capacité, cet appauvrissement, que j’ai considéré comme un musellement de l’intelligence, et un énorme gaspillage de potentialité, a guidé tout mon travail de contact avec les enseignants, dans les classes, et dans mes ateliers de formation.
J’ai alors développé, parallèlement à mes ateliers “Enfant magique”, que je réservais aux adultes, une série d’approche multi-sensorielle dans les classes et en animation de groupes, et que je partageais avec les enseignants en formation.
Mon travail en centre PMS a amené mon équipe à développer dans les classes maternelles, en coopération avec les Inspectrices maternelles les plus convaincues, dont Eugénie Eloy, les “modules psycho-moteurs” inspirés des recherches d’Hubert Montagner à Beaume-les-Dames. Il nous a paru étonnant, au début, d’appeler modules relationnels ces structures essentiellement spatiales, motrices et sensorielles. Il nous a bientôt paru évident que ces structures - parce que sensori-motrices - favorisait les relations harmonieuses entre les enfants.
Plus précisément encore, évoluant au sein de ces structures, les enfants harmonisaient, ou ré-harmonisaient - leurs relations : si le corps s’y met, l’harmonie coule de source, comme si le contact des corps et des matières pacifiaient les pulsions, les canalisaient, alors que le cérébral serait plutôt de nature à cristalliser et figer davantage les conflits.
En primaire, c’est en travaillant avec Claude Rongchamps, Dominique Godet, Marie-Jeanne Fichot ou Maryanne Goderniaux que nous avons développé des approches d’apprentissages imprégnées de multi-seusoriel, basées sur les outlls de la PNL et inspirées des pratiques en écriture et arts plastiques d’Odette et Michel Neumayer.
Avec le recul, aujourd’hui, en 2020, une question me taraude.
Tout cela a-t-il servi à quelque chose ? Les enseignants - ce sont d’autres bien sûr aujourd’hui - ont-ils tout oublié ? Faut-il recommencer le travail ?
Encore et encore ?
Février 2020
PS. Peut-être, si cela vous chante - et vous enchante - irez-vous, pour en savoir plus, voir les articles que j’ai développés et présentés dans ce chapitre de mon site recueil.larcenciel.be, et illustrés de mes dessins et aquarelles.