ANNEXE 1
Les refus d’écrire
Un premier problème qui se présente au chercheur, au cours de ces observations, est en effet le refus de procéder à des écritures productives, de la part de certains enfants qui acceptent seulement de produire l’écriture de leur prénom. Mais, à y regarder de plus près, ces refus peuvent nous renseigner sur les rapports de ces enfants à la langue écrite.
Tout d’abord, les refus constatés peuvent renvoyer à des significations de nature variée :
• refus de type "psychoaffectif " : cet enfant est Inhibé par le cadre de la relation duelle à un adulte Inconnu, dans laquelle il se sent Infériorisé, "bloqué " : il ne peut montrer ce qu’il sait - ou ce qu’il ne sait pas - devant un adulte qu’il perçoit comme un "juge " inquisiteur ; ce type de refus ne peut guère nous informer sur la nature du travail cognitif de cet enfant face à la langue écrite ;
• il n’en va pas de même du refus lié à la nature même de la demande : une production d’écrit ;
– l’enfant, ici, montre Initialement un désir de coopérer mais, dès l’entrée dans la tâche, il semble craindre de ne pas "savoir bien faire ", ou ne peut s’autoriser à "faire comme les grands". La tâche demandée lui est impossible parce qu’inhabituelle, non enseignée, non connue (ce refus intervient avant même que l’enfant n’entreprenne d’explorer la tâche). Il ne prend pas de risques par rapport à ce qu’il n’a jamais rencontré ;
– ou bien cette activité lui est impossible du fait du paradoxe dans lequel il se sent de s’atteler à une activité Insuffisamment maîtrisée (ce refus est constaté après une première exploration de la tâche). Ce refus de produire peut alors cacher une conceptualisation assez avancée sur la nature des relations entre l’oral et l’écrit.
Les normes implicites qui fonctionnent dans notre système d’enseignement peuvent ainsi contribuer à masquer le travail de construction de la langue écrite : un exemple en est fourni par ces enfants qui ne peuvent, dans la situation de production d’écrit dicté, se "laisser aller" à inventer une écriture parce qu’ils sont arrêté par la conscience qu’ils ont de la norme ; l’attitude que leur propose, en modèle dominant, leur environnement pré-scolaire et/ou péri-scolaire est de viser à produire directement des formes "correctes", donc à les copier pour, ensuite, les mémoriser et, enfin, les reproduire. La production d’auteur n’est alors admise qu’après ces premiers apprentissages.
Jean-Marie Besse, p. 52