Introduction *
Ce que j’ai trouvé de particulièrement intéressant dans la SD, c’est la non hiérarchie entre les différentes visions, leur emboîtement et le passage d’une vision à l’autre. On passe à un autre niveau quand celui où on se trouve devient invivable, quand les impasses apparaissent telles qu’il faut inventer autre chose. La nouvelle vision transcende et intègre la vision précédente, et toutes les autres, comme des poupées russes.
En fait, nous transportons dans notre manière de voir le monde à la fois le cerveau reptilien et les problèmes de survie, la vision du monde du chasseur-cueilleur et la peur au ventre d’être dévoré par les animaux sauvages [1]. Et puis toutes les autres dynamiques qui se sont succédées dans notre évolution personnelle, sociale et culturelle. (Du moins si nous sommes devenus des adultes responsables et autonomes, si nous ne sommes pas restés coincés quelque part.)
La solitude du chasseur-cueilleur étant devenue insupportable, il a bien fallu qu’il comprenne la nécessité de se rassembler en tribu, et donc d’accepter la loi du clan.
Le petit enfant doit assez vite comprendre que sa survie dépend de sa soumission aux règles de la famille, même si elles lui pèsent.
Certains sont restés accrochés à des états et des visions anciennes, en tant qu’individus, ou en tant que groupes, associations ou nations. [2]
Inutile de vouloir faire sauter quelqu’un ou un groupe de niveau, il doit de lui-même vivre l’impossibilité de continuer à garder sa vision des choses.
L’intérêt du modèle est non seulement de différencier les visions, ce qui permet de s’y retrouver, mais surtout de les comprendre pour entrer en contact avec chacune en comprenant de l’intérieur son modèle du monde, sa vision des choses. C’est un passage obligé pour l’aider à changer. [3]
Un autre aspect que j’ai trouvé très stimulant est de comprendre comment ces "structures fondamentales de la conscience" situent le religieux - structuré par une hiérarchie et une organisation absolutiste se référant à une vérité absolue -, bien loin d’une vision holistique, intégrative, de la spiritualité, qu’on retrouve dans la seconde boucle de la spirale, les deux structures étant d’ailleurs souvent antagonistes.
Le modèle de la Spirale dynamique est maintenant utilisé non seulement pour comprendre la vie sociale (on peut lire la politique internationale avec ces lunettes-là, tout autant qu’un roman, un film, un drame familial, une difficulté psychologique ou interpersonnelle) mais aussi pour intervenir dans les organisations, les groupes, les associations ou les entreprises, tout autant que dans les familles. Il est utilisé aussi en psychothérapie.
Dans la formation que j’ai eu l’occasion de suivre, l’analyse d’un projet d’école a été très éclairante et l’intervenant a fait travailler sur la stratégie qu’il avait développée pour une intervention institutionnelle dans cette école.
Je m’arrête là dans mon introduction.
Je recommande de commencer à comprendre la spirale par un petit exercice stimulant dont j’ai fait la base d’un atelier d’Education nouvelle à Buzet en 2011 : se laisser pénétrer par la description de chacun des modèles du monde, les laisser parler à l’intérieur de soi, se demander ce qu’elles produisent en nous. Partager là-dessus en petit groupe.
Repérer la partie de nous qui fait écho, étant entendu que chacune résonne d’une certaine façon dans notre histoire et les circonstances de notre vie, et puis se demander ce qu’il faudrait qu’il se passe autour de nous pour que nous puissions penser, voir et agir de cette façon, autrement dit dans quel contexte nous serions amenés là (ou même dans quel contexte ce serait adéquat).
Au lieu d’enclencher une réaction rejetante, on peut alors entrer dans une vue intégrée de toute la spirale avec ses points interpellants pour nous (les fixations éventuelles), individuellement ou en tant que groupe, et ses points d’accord apaisant, en face de quoi on se trouve à l’aise, en terrain connu, confortable.
Et puis, aussi, quels sont les aspects de ces modèles du monde qui nous parlent comme une perspective, ou un projet : là où, peut-être, on a envie d’être, là où on aimerait aller pour sortir des impasses et du stress où on [4] se trouve actuellement dans la vie. C’est le premier pas vers un changement de paradigme, la vision du possible, un futur pour soi et pour la culture, et pour l’humanité.
Michel Simonis,
le 25 février 2014