Un (ancien) atelier de deux jours (qui offre l’intérêt d’une synthèse entre des concepts fort différents).
Il date de 2007, et plus que jamais actuel :
– où l’on expérimente l’effet libérateur d’une pédagogie de l’imagination, à travers la création associant art plastique et écriture,
– où l’on perçoit que la prise en compte de l’intelligence émotionnelle a un effet sur la qualité des apprentissages, et tout autant sur la qualité de la vie, donc aussi sur la santé,
– où l’on se dit que s’il y a des mots qui blessent, il y a aussi des mots qui guérissent,
– où l’on explore l’idée que certains "savoirs indigènes" peuvent nous aider aujourd’hui dans un chemin de guérison pour nous, pour nos communautés humaines, pour la planète vivante,
– où l’on pressent une entrée dans un "nouveau paradigme" : penser autrement le monde et la vie, l’éducation et l’apprentissage…
où j’ouvre ma boîte à outil et partage avec vous mes savoir-faire.
Animée par Michel Simonis à VAULUISANT, les mercredi 9 et jeudi 10 mai 2007
Articuler la beauté, animée de sacralité, avec la santé, restauration d’un ordre salutaire des choses.
J’ai découvert qu’il y avait un lien entre la beauté, la santé, la paix, le sacré, et la sauvegarde de la planète. Nous verrons en quoi tous ces concepts sont reliés.
La beauté et la santé comme faisant un tout, "animé de sacralité", et reliée à l’harmonie avec la terre : Pour les indiens Navajo, santé = beauté = restauration d’un ordre salutaire des choses.
Voici trois citations fortes de Sylvie Crossman et JP Barou ("Enquête sur les savoirs indigènes", 2001) :
– "En vérité, les Aborigènes essaient de nous dire que celui qui survit n’est pas le plus "puissant", le plus "dominant", mais au contraire, magistrale leçon, le plus "léger" d’une certaine manière, le moins pesant, le plus nomade, le plus créatif, le plus "artiste". (p. 329)
– "… autant d’actes qui placent aujourd’hui la société occidentale au bord de l’asphyxie, voire de l’extinction, menaçant avec elle toute la planète."
– "un simple coup d’œil sur le mandala du Kalachakra, nous disent les moines tibétains de Dharmsala, suffit pour semer des graines de paix dans le cours mental des spectateurs, même profanes. Toutes ces graines s’accumulent, elle mûriront un jour." "(…) Ce qui a pour fonction non pas seulement une prise de conscience mais un "saut de conscience". (p. 116)
DISPOSITIF
• Choisir quelques signes. (Il y a un tas de documents à disposition du groupe)
En prendre un et le travailler, (Il y a divers matériel à disposition, plumes, pinceaux, grattoirs, couteaux, éponges, chiffons, ficelles, Q tip,... avec le l’encre de Chine, du brou de noix, de la terre glaise...).
Le faire "rebondir" pour qu’il soit confortable dans son corps.
Le refaire au net sur papier quadrillé.
• Terre glaise : chacun prend un morceau. Laisser émerger la forme, dans le silence, après une relaxation.
Donner un nom à sa forme : “étiquette”
Sur des feuilles de papier kraft au sol, placer les formes sur des lieux nommés (“fontaine de …”, porte de….) Ajouter les nom d’étiquettes.
• Former des groupes de 3, chacun avec une des 3 couleurs : ocre rouge, blanc, noir [1]
Tracer les chemins pour aller à la rencontre des autres, puis des autres groupes (éventuellement, ajouter des graines à coller, des éléments naturels, feuilles, fleurs, fruits... selon la saison).
• Placer les signes (qu’on a choisi au début) à l’endroit qui leur convient comme lieu d’harmonie, de remise en ordre entre soi et la terre, trouver la bonne place de chaque signe.
• Prendre un moment en silence pour ressentir ce qi est là et ce qui s’est passé.
NB. Des conflits peuvent surgir pour occuper un endroit, ce qui peut évoquer des conflits de territoires entre pays, régions…
• Écrire un petit texte sur ce que dit le signe de se trouver là (écouter ce qu’il dit)
• Partage. Je pointe les enjeux :
– harmonie -> effet sur l’univers ;
– la question homme - femme ;
– trouver sa place. Enjeux : tous les peuples qui n’ont pas de place, ou perdu la leur, ou qu’on leur a enlevé comme les amérindiens du Nord et du Sud, ou les palestiniens, les pygmées…)
Mais aussi les personnes, les familles, les communautés de l’exil, de l’émigration, ceux qui ont perdu leur pays et n’ont pas trouvé une terre d’accueil (Cf. le livre " "L’Art de perdre", d’Alice Zeniter, Flammarion)
– qu’est-ce qu’un signe “juste”...
Textes de référence
– “santé indigène (les couleurs de la démarche sont les couleurs Hopis),
– Aborigènes : "Message des hommes vrais au monde mutant" (Marlo Morgan), les livres de Sylvie Crossman et Jean-Pierre Barou, le livre "Rêves en colère" de Barbara GLOWCZEWSKI.
– Saryaku (cf. “Les perruches du soleil” de Jacques Dochamps, First édition, Témoins de l’extraordinaire)
– symposium “Réveiller le rêveur, changer le rêve”
– etc…
Mandala d’émergence - mandala de synthèse.
Je fais une différence entre les deux et je l’explique
"Une oeuvre d’art est composée de deux parts, une part moderne et une part de ce qui est immuable, mystérieuse et qui continue de dévider ce fil artistique à travers les siècles et qui nous relie au premier art des cavernes." (Baudelaire)
L’invention du "primitif"
Trois citations, juste pour mesurer d’où l’on vient...
Du sociologue français Lévy-Bruhl, qui est certainement l’un de ceux qui a le plus contribué à faire croire en l’existence des "primitifs" : "La différence entre la mentalité primitive, mystique et prélogique et la façon des blancs est si profonde que le passage brusque de l’un à l’autre est inconcevable." Irréductibles, irrécupérables !
De Freud, lorsqu’il écrit "Totem et Tabou", et parlant des aborigènes d’Australie : "les plus sauvages, les plus arriérés et les plus misérables". "Ces habitants qui vivent sur le continent australiens depuis plus de quatre mille ans ne bâtissent ni maisons ni cabanes solides, ne cultivent pas le sol, ne possèdent aucun animal domestique, pas même le chien, ignorent jusqu’à l’art de la poterie."
Durkheim, avertit ses lecteurs en introduction à son livre : "Les formes élémentaires de la vie religieuse" (1912) : "ce n’est pas que nous entendions prêter aux religions inférieures des vertus particulières. Elles sont, au contraire, rudimentaires et grossières... Mais leur grossièreté même les rend instructives."
"C’est sur la base de ce constat, ce dénuement, cette absence de civilisation matérielle, que les premiers colons britanniques, soucieux de légalité, décrètent officiellement l’Australie terra nullius, nulle, inoccupée", note J. P. Barou.
Tiens, petit rapprochement, Ben Gourion au moment de la fondation de l’État d’Israël, avait dit de la Palestine : "une terre sans peuple pour un peuple sans terre".
Comme quoi la façon de penser l’autre sert de justification à bien des injustices…
Mais nul n’est définitivement obtus et ici, on pourrait même parler de résilience : voici que Lévy-Bruhl a l’humilité de contester, quelques temps avant sa mort, ses propres théories. La Revue philosophique, publie en 1947, avec l’accord de son fils, des extraits de ses derniers carnets. Ces écrits, posthumes et témoignant d’une crise de conscience aiguë, ruinent de façon définitive les thèses intronisant la « mentalité primitive ». On lit : « J’avais déjà mis beaucoup d’eau dans mon vin depuis vingt-cinq ans... j’abandonne une hypothèse mal fondée... je ne parle plus d’un caractère prélogique de la mentalité primitive... Du point de vue strictement logique, aucune différence essentielle entre la mentalité primitive et la nôtre. Dans tout ce qui touche à l’expérience courante ordinaire, transactions de toutes sortes, vie politique, économique, usage de la numérotation, etc., ils se comportent d’une façon qui implique le même usage de leurs facultés que nous faisons des nôtres... J’affirmerai, une fois de plus, que la structure logique de l’esprit est la même chose chez tous les hommes ! » Lévy-Bruhl se reproche d’avoir écrit à la hâte, à partir de matériaux de seconde main, partiels et partiaux, d’avoir, en s’appuyant sur des cas particuliers limités, difficilement analysables, élaboré des lois générales.
Chapeau !
Complément par des extraits de “rèves en colère” de Barbara Glowczewski,
"On ne peut pas, d’un côté, célébrer, dans le nouveau musée du Quai Branly, à Paris, les chefs d’œuvre de l’art indigène et parallèlement laisser mourir sans assistance ceux qui les créent. Or l’anthropologue Barbara Glowczewski, chercheur au Laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France, épouse de Wayne Barker Jowandi, lui-même cinéaste et compositeur aborigène, qui vient de passer dix-huit mois en poste à l’université James Cook de Townsville, nous alerte sur la situation extrêmement préoccupante des Aborigènes dans une Australie qui revient sur les gains politiques des années soixante-dix et quatre-vingts. Ainsi dans la ville côtière de Townsville, tout au nord de l’État du Queensland d’où partent de nombreux soldats australiens mobilisés en Irak, de jeunes Blancs s’amusent, le samedi soir, à accélérer sur les passages cloutés quand ils voient un Aborigène traverser...
(lire la suite... http://66.98.244.85/indigene-editions.fr/ficha_nouvelles.php?id=18)
Suit une description édifiante de ce qui se passe en ce moment là-bas. Le combat des Aborigène pour leur dignité et leur survie est loin d’être terminé. Cris d’alarme.
l’artiste d’une communauté plonge son art au coeur de la tradition, au delà du visible, et fait émerger une connaissance qui aide à vivre, à soutenir une communauté, à se protéger ou se défendre, à vivre, à guérir…
Ce livre (Barou et Crossman) est à la fois une belle réhabilitation, jetant au passage une lumière crue sur nos aveuglements savants, et une entrée dans la compréhension des artistes qui ont fondé l’art moderne. Peindre, c’est penser, c’est donner une autre dimension aux choses, réinstaller la dimension spirituelle, religieuse au coeur de la vie culturelle.
Je retrouve là les intuitions de l’anthroposophie, et le travail du Dr Hauska, par exemple, développées dans l’art thérapie et reprises dans l’art social.