Un pavé de plus…
Le club de Foot de Berchem sanctionne les joueurs qui se douchent en slip. Il doit faire marche arrière. Signe des temps.
Un fait divers ?
Ou un fait de société, significatif, qui soulève une série de questions fort à propos...
L’incendie est éteint. Pour le moment du moins. Le club de football Berchem Sport (près d’Anvers) a suspendu, pour les quinze jours qui viennent, l’obligation imposée à ses joueurs de se déshabiller entièrement pour prendre leur douche. Ce point du règlement qui concerne les moins de quinze ans existe depuis 2007. Mais il a déclenché une polémique dans les vestiaires, cette semaine, lorsque huit joueurs qui refusaient de s’y plier ont été privés d’entraînement.
Des sportifs ados qui gardent leurs sous-vêtements pour se doucher : la tendance n’a rien de nouveau. Mais au fil des années, cette exception est progressivement devenue la règle. Aujourd’hui, tous les gamins gardent leur slip et ont tendance à se cacher pour se déshabiller."
Comment expliquer ce regain de pudeur ? Les premières traces de changement sont apparues dans les villes, socialement plus mixtes, sous l’influence de cultures pas toujours à l’aise avec la nudité dans les vestiaires collectifs. "Mais cette explication ne suffit pas", corrige le psychiatre et psychanalyste spécialiste des adolescents, Philippe Van Meerbeeck (UCLouvain).
"L’adolescence est une période vraiment très délicate, surtout pour les garçons, dit-il. Ils changent très rapidement sans comprendre ce qui se passe.”
Habiter son corps, un corps en mutation, est un travail long et difficile, reprend le Docteur Van Meerbeeck. C’est ainsi depuis toujours. Sauf que ce qui a changé en une génération, c’est la dictature de l’image décuplée par les réseaux sociaux. "Ne pas correspondre aux critères présentés comme des canons peut occasionner beaucoup de souffrance, insiste le spécialiste. La seule solution est une éducation intelligente. Il faut démonter le côté utopique et pervers des images afin que les jeunes s’affranchissent des idéaux concernant la beauté des corps."
Pour lui, pas question de caprice ni d’aucune autre sorte de prosélytisme. "Le malaise existe bel et bien. Se mettre à nu, c’est prendre un risque. Se doucher en slip signifie conserver une partie intime, non soumise aux autres." Sans même parler de la menace que représente, dans ce contexte, la possibilité d’être pris en photo… "Il faut respecter ce trait juvénile, conclut Philippe Van Meerbeeck. Il passera."
(La Libre Belgique, vendredi 15 novembre 2019)