Et pour commencer...
Un mini-dossier résumé de 10 pages, en introduction au dossier
Le Centre PMS et l’apprentissage de la lecture :
LIRE, ECRIRE,
QUELLE AVENTURE !
Dossier rassemblé par Michel Simonis, suite aux travaux du GREFet de la CEF à la FCPL
FCPL 2003
le PMS et l’apprentissage de la lecture
LIRE, ECRIRE, QUELLE AVENTURE !
dossier réalisé par Michel Simonis – FCPL – avril 2003
"Les enfants peuvent facilement apprendre à lire écrire. Ce sont les adultes qui ont compliqué ce processus."
(Emilia Ferreiro)
• Les équipes PMS qui travaillent dans l’enseignement fondamental sont à la recherche d’outils d’analyse récents qui permettent de comprendre où en est un enfant dans ses apprentissages de la lecture et de l’écriture.
• Ils sont confrontés à des classes plus diversifiées qu’autrefois, tant dans les chemins d’apprentissages proposés par les enseignants que dans les populations scolaires qui s’y trouvent rassemblées.
• Ils se demandent comment réagir quand les enseignants les interpellent, en désarroi face à des enfants en difficulté d’apprentissages ou davantage encore face à des enfants qui n’en veulent pas, qui ne sont pas preneurs de l’école ?
• Il y a plusieurs portes d’entrées dans ces questions, et la porte d’entrée "pédagogique" ne peut être négligée. Celle-ci comporte divers chemins, différentes méthodes. Le temps n’est plus aux débats contradictoires, on en est aux synthèses. Et si, dans les centres PMS, nous n’avons pas nécessairement à entrer dans ces questions, il est malgré tout utile d’être un peu au courant.
• Mais notre rôle est différent de celui d’un enseignant, nos centres d’intérêt aussi.
– Quels sont les enjeux des évaluations que nous sommes amenés à faire à propos des acquis scolaires ou préscolaire ?
– Quelle évaluation de la lecture (avec ou sans outils !) en relation avec nos interventions PMS ?
– Quelles solutions avons-nous à proposer pour ces enfants rétifs à la lecture, ou en panne ? (dossier individuel pour une "année complémentaire" ? Orientation vers l’enseignement spécial ?)
– Où peut en être un enfant qui n’entre pas dans la lecture, qui n’a pas encore "construit" une connaissance personnelle de ce qu’est l’écrit par rapport au verbal ? Et que faut-il faire pour l’y aider ?
– Que peut-on faire pour observer un enfant et comprendre où il en est, même si on n’a pas d’outils, de tests ?
– Et puis : faut-il des tests ?
• D’autres portes d’entrées que le pédagogique nous concernent d’avantage : l’accès culturel à la lecture écriture - ou plutôt le non accès de certains enfants - , en particulier, interpelle directement nos équipes psycho-médico-sociales. c’était mon point de départ.
Suite à une intervention que j’ai faite sur ce sujet au colloque international de l’ABLF, Association Belge pour la lecture, section francophone, en novembre dernier à Huy et cherchant des outils récents pour mes collègues des centres PMS travaillant dans l’enseignement fondamental, j’ai découvert le travail d’E. Ferreiro et de ses successeurs, notamment Jean-Marc Besse, Jacques Fijalkov, Gérard et Eliane Chauveau. Des articles m’ont été envoyé par Marie-Claire Nyssen, Professeur au département de pédagogie de l’ULG, qui se sont avérés passionnants. Suite à un exposé que j’ai fait à la Commission de l’Enseignement fondamental de la FCPL en février dernier au sujet de "l’écriture inventée" issue d’Emilia Ferreiro, j’ai pensé qu’il serait utile de mettre à la disposition des centres PMS un petit dossier regroupant les documents qui m’ont servi de base de travail.
Le voici.
Michel Simonis
Plan du dossier complet
page 1 Introduction : une journée de la Commission de l’Enseignement Fondamental (CEF) sur la lecture 1 p
page 2 Table des matières 1 p.
page 3 Petite métaphore pour (bien) commencer 1 p
page 4 Jacques Grégoire : évaluer les troubles de la lecture ? extraits de la conclusion de l’ouvrage "Evaluer les troubles de la lecture", DeBoeck, Questions de personne, 1994, ouvrage collectif sous la direction de Jacques Grégoire. 1 p
page 5 Les travaux d’Emilia Ferreiro, ses "niveaux de lecture" et quelques références bibliographiques 3 p
page 5 Jean-Marc Besse : position de la question : L’enfant et la construction de la langue écrite REVUE FRANÇAISE DE PÉDAGOGIE, N° 90 janvier - février - mars 1990, 17-22 3 p
page 5 Jean-Marc Besse : les paliers de la construction de l’écrit - partie pratique in "L’enfant apprenti lecteur" (cresas n° 10 INRP L’Harmattan 1993, p. 56 à 61) 6 p
page 5 Illustrations de ces paliers, selon Jacques Fijialkov : extraits d’un article de Jacques Fijalkov, in "Evaluer les troubles de la lecture", DeBoeck, Questions de personne, 1994, op. cité. 9 p
page 5 Jean-Marc Besse L’écriture productive - L’examen des productions écrites in "L’enfant apprenti lecteur" (cresas n° 10 INRP L’Harmattan 1993, p. 56 à 61)
page 5 Fijialkov : éléments de théorie sur la clarté cognitive, in in "Evaluer les troubles de la lecture", DeBoeck, Questions de personne, 1994, op. cité. 5 p
page 5 Extraits du livre de Jocelyne Giasson : quelques extraits significatifs de son livre phare la lecture, de la théorie à la pratique, De Boeck, Outils pour enseigner, 1997 6 p
page 5 Michel Simonis : la lecture, aussi une question d’accès ? intervention au colloque de l’ABLF à HUY 2 p
page 5 Gérard et Eliane Chauveau : la BEILE, batterie d’évaluation initiale de la lecture-écriture, Des apprentis lecteurs en difficulté avant six ans, chapitre 2 de "Comprendre l’enfant apprenti-lecteur", sous la dir. de G. Chauveau, RETZ 2001 7 p
page 5 Annexes
1 - Les refus d’écrire (J. M. Besse, les paliers de la construction de l’écrit, in "L’enfant apprenti lecteur" (op. cité) 1 p
2 - Le travail des ARTE : les principes, un dispositif type. 3 p
3 - Le plurisystème graphique du français, Nina CATACH 1 p
4 – L’enfant qui découvre le fonctionnement de l’écriture selon J. GIASSON 2 p
Petite métaphore pour commencer...
Les enfants qui se promènent à pied ont de meilleurs repères, une meilleure connaissance du paysage et retrouvent mieux leur chemin que ceux qui se déplacent toujours en voiture.
– "Ah oui, c’est là qu’il y a le vieux poirier, et là, le petit âne dans sa prairie. Et là, le monument avec ceux qui portent des drapeaux, et là, la petite chapelle avec son vieux tilleul, et ici, la pharmacie, et ici, c’est le bureau de poste..."
Ils ont appris à faire une lecture du paysage. Ils ont des repères entre lesquels ils ont tissés des fils conducteurs dans leur mémoire, et ce réseau de signes à pris du sens pour eux.
Pour cela, il a fallu qu’ils aillent circuler à pied.
L’enfant, en voiture, est conduit : il est pris en charge. A pied, c’est lui qui fait marcher ses jambes : il se prend en charge !
Ils y sont allés pas à pas, avec quelqu’un qui a attiré leur attention sur les signes repérables, en les nommant ("c’est un vieux poirier, c’est la pharmacie, c’est un tilleul près de la chapelle") et qui leur a permis de se poser des questions :
– "Vous savez où on est ? On est perdu ! comment va-t-on retrouver son chemin ? toi, qu’est ce que tu reconnais ici ? Et toi ? Et toi ? Et si tu reconnais cet endroit, où crois-tu qu’on va arriver si on prend ce chemin-là ? Bon, on y va et on verra ! Zut, on est de nouveau perdu ! où croyez-vous qu’on pourrait être ? On va en discuter ensemble."
Quel enfant ne se prendrait pas au jeu ? C’est quand même plus rigolo que de s’asseoir sur un banc et d’apprendre un par un tous les signes qu’on pourrait rencontrer sur le terrain !
Et si la lecture d’un texte s’apparentait à une lecture de paysage ?
Et si on se promenait d’abord lentement, pas à pas dans des paysages d’écrits, jusqu’à ce qu’ils prennent sens ?
Promenez-vous dans les textes qui vont suivre. Vous allez reconnaître des paysages familiers. D’autres vous paraîtrons insolites. Il vous suffira de tisser, pour les relier les uns aux autres, des fils qui constitueront autant de nouveaux repères. Ils deviendront des fils "conducteurs". Vous découvrirez alors un nouvel éclairage pour votre travail, de nouvelles sources de lumière.
Comprenant comment fonctionne la lecture, vous pourrez guider les apprentis lecteurs, repérer où ils en sont. Sont-ils perdus ou simplement en train de chercher leur chemin (1). Vous pourrez guider aussi les "appreneurs" de lecture-écriture s’ils vous demandent leur chemin.
Bonne lecture ! Bonne promenade !
Michel Simonis
(1) Philippe Meirieu, dans "Apprendre, oui mais comment" donne une grille qui permet de distinguer l’apprenant en recherche de celui qui est en difficulté.
l’évaluation de la lecture (avec ou sans outils !) en relation avec nos interventions PMS
(CEF 20 FEVRIER 2003)
Jacques Grégoire signale "les limites d’une évaluation purement normative qui se borne à quantifier les performances en lecture" (dans les conclusions du livre "Evaluer les troubles de la lecture" De Boeck, Questions de personne, 1994, ouvrage collectif sous la direction de J. Grégoire" p. 249).
"Une telle évaluation reste à la surface du comportement de lecture et ne procure que des informations diagnostiques limitées. au contraire, une véritable compréhension des problèmes de lecture suppose qu’on s’intéresse aux capacités cognitives sous-jacentes au performances ainsi qu’on leurs interactions. Le point de vue se déplace dès lors du niveau de la performance à celui de la compétence."
On n’en est plus à une évaluation en terme de stades de développement :
"...plusieurs auteurs constatent que l’apprentissage de la lecture ne prend pas la forme d’un développement linéaire où nous pourrions repérer une suite de capacités parfaitement hiérarchisées. Cette observation limite l’intérêt d’une évaluation en termes de stade de développement, pourtant très séduisante au premier abord. Au contraire, il semble que nous ayons affaire à une évolution où sont à l’œuvre des actions réciproques entre capacités.(p. 250)
Autre conclusion de Jacques Grégoire :"Par delà les typologies, l’attention portée aux différences individuelles est à l’origine de l’éclatement du concept de dyslexie. Coller, sans plus, l’étiquette de "dyslexique" sur un enfant à l’issue d’un examen diagnostique n’est plus aujourd’hui admissible. La prise en compte de la spécificité du trouble de chaque sujet apparaît au contraire comme une nécessité pour une prise en charge efficace. (ibidem, p. 251)
Aurions-nous besoin d’outils d’analyse qui permettent d’entrer dans la compréhension d’où en est un enfant dans ses apprentissages ? de comment il procède ?
le but de toute évaluation est de décider. Cette décision peut concerner l’orientation du sujet (évaluation pronostique) et/ou la prise en charge et la remédiation (évaluation diagnostique). Dans tous les cas, l’évaluation va engager peu ou prou l’avenir d’une personne. (J. Grégoire, ibidem)
(Extraits de la conclusion de l’ouvrage "Evaluer les troubles de la lecture", DeBoeck, Questions de personne, 1994, ouvrage collectif sous la direction de Jacques Grégoire.)
Emilia FERREIRO Culture écrite et éducation éd. RETZ
Souvent cités, mais longtemps inaccessibles en français, les travaux d’Emilia Ferreiro concernant l’acquisition de la langue écrite font autorité. Véritable biographie intellectuelle, cet ouvrage retrace, lors de sept interviews extrêmement stimulantes, son parcours scientifique et pédagogique, ses prises de position et ses engagements de chercheur, et ses interrogations de pédagogue concernant la culture écrite et son apprentissage. Par touches successives, son auteur présente un tableau complet des recherches actuelles, de leurs implications pédagogiques et politiques, et des débats en cours dans ce domaine fondamental de l’éducation des enfants.Emilia Ferreiro a débuté son œuvre à la fin des années 60 par une thèse soutenue sous la direction de Jean Piaget. Elle a depuis lors poursuivi ses travaux sans relâche. Constatant les insuffisances de l’alphabétisation initiale dans les pays en développement, notamment en Amérique latine, elle a transformé de façon radicale la manière de penser l’apprentissage de la culture écrite. Plutôt que de prendre part aux polémiques sur la méthode la plus efficace pour apprendre à lire, elle a placé l’enfant, le sujet qui apprend, au centre de ses préoccupations. Ce tournant a exigé des outils théoriques et méthodologiques nouveaux puisés non seulement dans les derniers développements de la psychologie, mais aussi dans les domaines proches de la linguistique, de l’histoire et de l’anthropologie de l’écriture.D’objet d’enseignement, le système de l’écrit est devenu désormais un objet de connaissance, pour le chercheur comme pour l’enfant, système dont la découverte commence pour ce dernier bien avant l’école, sans la médiation d’un enseignement formel et systématique de la part de l’adulte. Ce changement de perspective réfute les présupposés traditionnels sur les systèmes d’écriture et incite à revoir entièrement les pratiques pédagogiques afin d’éviter que l’Ecole ne soit une source d’échecs, d’inégalités et d’exclusion
voir ausssi
FERREIRO, Emilia
L’écriture avant la lettre / Emilia Ferreiro ; [trad. de l’espagnol] ; préf. de Jean Hébrard. - Paris : Hachette éducation, 2000
Les travaux d’Emilia Ferreiro
Consulter : Lire - écrire à l’école : comment s’y apprennent-ils ? CRDP Lyon, 1988
E. Ferreiro a ainsi mis au point des dispositifs pour évaluer où en sont les enfants, pour voir comment ils conçoivent l’écrit.
1. Il s’agit d’abord de prendre des traces interprétables en faisant écrire les élèves, avant qu’ils ne soient censés savoir écrire.
2. Elle propose également aux enfants des petites situations de lecture pour voir comment ils comprennent l’acte de lire (utilisation de textes courts avec des planches).
Dans ces tâches, elle demande aux enfants de signaler les mots d’une phrase, phrase que l’expérimentateur a verbalisée, ou de les verbaliser alors que l’adulte les montre à l’enfant. Bien entendu, un petit arrive à signaler des mots qu’il ne peut verbaliser seul.
Ces travaux ont inspiré fortement Gérard Chauveau et Eliane Rogovas-Chauveau.
UNE ANIMATION PEDAGOGIQUE A LILLE : L’entrée par l’écrit pour cerner les difficultés de l’enfant en s’appuyant sur les travaux d’Emilia FERREIRO
a) Un peu d’histoire
• Les travaux d’Emilia Ferreiro ont consisté à suivre, dans les années 80-81, des enfants en âge pré-scolaire au Mexique afin d’analyser leur rapport à la construction de l’écrit. Il s’agissait de voir comment l’enfant "s’y prend, comment il s’y apprend".
• Elle montre comment l’observation préalable et continue des enfants doit guider l’élaboration et le choix des pratiques et des théories éducatives.
• Le modèle théorique d’Emilia Ferreiro est lié à sa formation en Psychologie génétique, en Argentine à l’Univsersité de Buenos Aires, puis en Suisse à l’Université de Genève. Jean Piaget a dirigé sa thèse "les relations temporelles dans le langage de l’enfant" et en a préfacé l’édition.
• Emilia Ferreiro s’est intéressée à l’apprentissage de la langue écrite à un moment où la majeure partie des études linguistiques portaient sur la langue orale.
b) L’apprenti lecteur et l’écrit
1) Mise en évidence des démarches utilisées en observant dix écrits d’élèves proposés en individuel par un "maître E" durant 5 à 10 minutes. Dans un premier temps, nous nous sommes demandés à quel niveau de classe appartenaient ces écrits. Les suppositions sont allées de la grande section maternelle au CE1 !!
Hors, il s’agissait uniquement d’écrits d’élèves de CP au début du mois de novembre 97.
2) L’analyse des écrits
Ces écrits peuvent être classés d’après leur similitude. Ils nous permettent d’expliquer comment l’enfant cherche par lui-même à comprendre l’écrit, comment il reconstruit les règles de l’écrit pour se les approprier.
Pour cela, il est bien sûr important de se faire expliquer les productions par les enfants afin d’obtenir des indications supplémentaires.
On remarque que des enfants ont utilisé des dessins.
Pour d’autres, l’écrit est un symbole de la réalité (ex. du loup avec une représentation écrite gigantesque).
Chez certains, la linéarité de l’oral correspond à celle de l’écrit.
On s’aperçoit aussi que d’autres écrits ont pris en compte le fait que les mots soient construits de lettres et qu’il existe une stabilité.
Dans l’écrit n°9, l’enfant essaie de réaliser une correspondance grapho-phonétique.
3) Emilia Ferreiro a effectivement montré que plusieurs problèmes se posent à l’enfant :
• Le 1er est la nature symbolique de l’écrit. L’enfant va prendre conscience que le dessin n’est pas de même nature que l’écrit.
• Le 2ème : l’écrit est un objet qui renvoie à quelque chose de réel. Une liaison avec le langage parlé s’effectue.
• Le 3ème : correspondance entre la linéarité de l’oral et de l’écrit et la non correspondance entre la longueur du mot et la taille de l’objet réel.
• Le 4ème : se rendre compte que les mots sont construits de lettres et qu’il y a une stabilité.
• Le 5ème : arriver à l’analyse syllabique, alphabétique.
La langue écrite se constitue de plusieurs étapes :
1 - les idéosignes (correspondent à la section de Petits)
2 - les pseudo-signes (correspondent à la section de Petits)
3 - mélange de signes en voie d’achèvement
4 - lettres isolées
5 - inflation littérale
6 - jeu combinatoire de lettres et rôle du prénom
7 - intervention de l’oral
8 - analyse phonétique partielle
9 - analyse phonétique complète.
Emilia Ferreiro distingue 4 niveaux :
1) Le niveau dit pré-syllabique
Les productions écrites sont étrangères à toute recherche de correspondance entre graphies et sons. Il s’agit de graphismes primitifs (prédominance de gribouillages et/ou pseudo-lettres) d’écritures uni-graphiques (utilisation d’une seule graphie pour chaque nom à représenter) et d’écriture sans contrôle de quantité (interruption de la succession des graphies uniquement lorsque l’enfant arrive au bout de la feuille).
Pistes de travail pour ce niveau
• travailler plus particulièrement les indices de formes : longueur, silhouette, forme de la première lettre, la place des lettres dans le mot, les signes diacritiques (ç, ", ...), classer des mots selon leur longueur (bus, voiture, locomotive, train,... coccinelle..., pâquerettes).
• écrire des mots ou structures globalement mémorisés (ex. : observer un mot écrit au tableau le cacher : réécrire sur l’ardoise).
2) Le niveau dit syllabique
L’enfant comprend qu’il existe des représentations différentes entre l’oral et l’écrit. Il s’aperçoit aussi du découpage de la chaîne parlée et écrite en segments. Il lui reste à découvrir quel type de découpage du mot prononcé est celui correspondant aux éléments du mot écrit.
Pistes de travail
• travailler la discrimination auditive et visuelle
• découper les mots en syllabe
• associer des phrases écrites à celles qui sont prononcées par l’enseignant sous forme d’étiquettes par exemple : un poisson
un poisson rouge
le chat a croqué le poisson rouge
3) Le niveau dit syllabico-alphabétique
L’enfant comprend que le choix de chaque graphie correspond à une unité sonore. Il utilise aussi deux types de correspondance pour écrire (syllabique et alphabétique) (ex. gto pour gâteau). Ces écritures constituent des degrés interrmédiaires entre deux systèmes d’écriture.
Pistes de travail
• repérer les analogies, les différences (j’entends mais je vois).
• amener l’enfant à réfléchir, à anticiper avant la production écrite.
4) Stade alphabétique
Cette fois, il y a une correspondance entre phonème et graphie - ce qui n’exclut pas bien sûr quelques erreurs occasionnelles.
Pistes de travail s’il y avait lieu
• émettre du sens
• anticiper
• utiliser le système de référence présent dans la classe ou mémorisé pour écrire (listes analogiques, prénoms, mots mémorisés globalement,...).
L’ENFANT ET LA CONSTRUCTION DE LA LANGUE ECRITE
par Jean-Marie BESSE
REVUE FRANÇAISE DE PÉDAGOGIE
N° 90 janvier - février - mars 1990, extraits des pages 17 à 22
Les études sur la psychogenèse de la lecture-écriture montrent que les enfants construisent des hypothèses spécifiques sur le système de la langue écrite. Quelles sont les conceptualisations que les enfants fréquentant l’école maternelle française se forment de l’écrit ? L’auteur décrit quatre niveaux de conceptualisation pour arriver à l’hypothèse alphabétique. Les difficultés d’apprentissage de la lecture créent un problème : l’approche de cette question peut être renouvelée par cette perspective psycholinguistique.
Les recherches en psycholinguistique génétique poursuivies depuis plusieurs années mettent l’accent sur le fait que l’enfant ne reçoit pas tout élaboré le savoir sur la langue écrite : ce savoir, pour être vraiment intégré fait l’objet d’une re-construction active par l’enfant.
De plus, elles nous montrent que, bien avant l’enseignement de la lecture. le jeune enfant commence à se former des "représentations" de la langue écrite, de ses fonctions et de sa structure.
Les acquis de ces recherches permettent-ils de poser en des termes renouvelés la question de la prévention des difficultés de lecture-écriture ?
LA CONSTRUCTION DE LA LANGUE ÉCRITE ET LA PSYCHOLINGUISTIQUE GÉNÉTIQUE
Nous disposons, avec les travaux d’Emilia Ferreiro - qui a engagé des recherches en psycholinguistique génétique depuis le milieu des années 1970 - d’un premier repérage (4). Influencée par sa formation piagétienne, elle s’est efforcée de centrer son étude sur le "sujet épistémique", l’enfant en tant qu’il tente de construire ses connaissances : en ce sens, lire n’est-ce pas tout d’abord re-construire la langue écrite ? De plus, Ferreiro fait remarquer que cette langue écrite n’est pas un objet de savoir simple à acquérir : le système alphabétique n’est que l’un des systèmes écrits que nous connaissons : s’il est des plus efficaces, il se caractérise aussi par son haut degré d’abstraction.
Ferreiro indique, au long de ses recherches, que l’enfant se forme des hypothèses sur la langue écrite bien avant que l’école ne lui propose un apprentissage "officiel", et que ces hypothèses ne prennent pas en compte, de longtemps, l’hypothèse aIphabétique (correspondance entre une unité graphique - la lettre - et l’une des unités de l’oral - le phonème -). Ce n’est qu’au terme d’une progression - d’une psychogenèse -, qui n’est pas achevée chez tous les enfants à l’entrée à l’école primaire, que l’enfant commencera à comprendre le système de la langue écrite.
Lire, c’est ainsi être confronté à un objet structuré, qui donne lieu, de la part de l’apprenant, à un véritable travail cognitif. Sur cet objet, l’enfant exerce ses capacités de compréhension, de jugement, ses schèmes mentaux. Ce travail cognitif consiste ainsi à construire des conceptualisations plus ou moins efficaces sur la langue écrite : "la compréhension qu’a l’enfant du mode de composition de l’écriture, des relations qui la définissent en temps que système, ce que nous appelons le niveau de conceptualisation de l’enfant confronté au système d’écriture en usage dans la société" (5).
Il faut donc étudier les questions que se pose le jeune enfant sur la langue française écrite pour dégager ces conceptualisations, éclairés que nous sommes par quelques-unes des propositions de Ferreiro :
• l’enfant se construit plusieurs conceptualisations successives de l’écrit ;
• cette psychogenèse de l’écrit est relativement autonome par rapport à l’intervention de l’adulte ;
• l’activité de l’enfant sur l’écrit est peu aperçue par l’école, qui impose une démarche liée à une conception de la langue écrite qui ne considère que la structure alphabétique de la Langue Française Écrite (LFE) alors que cette structure n’est comprise par l’enfant que lorsqu’il est parvenu au niveau de conceptualisation articulé autour de l’hypothèse alphabétique, hypothèse ainsi décrite par E. Ferreiro : "I’écriture proprement alphabétique dans laquelle chaque signe graphique représente un phonème de la langue" (6) ou encore "une correspondance entre phonème et graphie, ce qui n’exclut pas des erreurs occasionnelles" (7) ;
• on peut comprendre quelque chose de cette activité sur la langue écrite en étudiant, par exemple, les productions écrites de l’enfant, ses "écritures", avant qu’il n’ait "appris à bien écrire". Il existe une solidarité du lire/écrire : c’est dire que l’observation des écrits de l’enfant - bien utile pour le chercheur parce qu’elle laisse des traces durables - peut nous aider à dégager les questions que se pose l’enfant sur la langue écrite, pour la lire ou pour l’écrire ;
• mais il faut, pour cela, sortir de nos représentation d’adultes lecteurs, représentations trop liées à un savoir achevé sur la langue écrite : se décentrer donc, pour s’intéresser à l’apprenant autant qu’à l’objet d’apprentissage ou à la méthode d’enseignement.
Notes bibliographiques de l’article complet
(1) VYGOTSKI, Pensée et langage, Ed. Sociales : Paris, 1985.
(2) VERGNAUD, (G), "La formation des concepts scientifiques. Relire Vygolski et débattre avec lui aujourd’hui", Enfance, PUF : Paris, 1989.1-2. p. 116.
(3) DOISE, (W), MUGNY, (G). Le développement social de l’intelligence, Interéditions, Paris, 1981.
(4) FERREIRO, (E), "L’écriture avant la lettre", in SINCLAIR, (H), La production de notations chez le jeune enfant, PUF : Paris, 1988, pp. 17-70. Dans ce texte, E. FERREIRO cherche à "donner une vue d’ensemble de l’état actuel de (ses] résultats et réflexions théoriques sur ce sujet". (p. 18)
(5) FERREIRO, (E), GOMEZ PALACIO. (M), Lire-écrire à l’école. Comment s’y apprennent-ils ? Traduction dirigée par (+ introduction et annexes de) BESSE. (J.-M.), de GAULMYN, (M.M.), GINET, (D.). CRDP : LYON, 1988. (XXXII) + 408 p. p. 376.
(6) FERREIRO. (E), GOMEZ PALACIO, (M). Lire-écrire à l’école. Comment s’y apprennent-ils ? op. cit.. p. 14.
(7) Id., p. 93.
(8) Cf. BESSE. (J.-M.), POTEL, (A), SERVANT-ODIER, (M), Savoirs et paroles d’adultes "illettrés". AG31, PSYEF : LYON, GPLI : PARIS. 1989,.99 p. + XXIII.
voir aussi
• BESSE, (J.-M.), ’L’enfant et la construction de la langue écrite : une approche génétique". Voles Livres : Lyon, 1988.9. 20 P. + (VII).
• BESSE, (J-M), "Approach to writing in Kindergarten", Paper presented at Symposium on Early Text Construction in Children, Rome. Italy, University "La Sapienza". October 1988. 12 P. + (IV).
• de GAULMYN, (M.-M.). "Les apprentissages de la langue écrite". Actes du 3e colloque régional de linguistique. Université : Strasbourg, Avril 1988, pp. 79-98.