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Les Centres PMS et l’accès à la lecture

Exposé à la Commission de l’Enseignement fondamental (FCPL) en 2002

Parler de la lecture dans le contexte des résultats du PISA (OCDE) n’est peut-être pas le plus approprié, à moins d’être pris comme "prétexte", une occasion opportune de se pencher sur le problème de l’apprentissage de la lecture.

A l’occasion de l’enquête de l’OCDE, le Serdep (Enseignement libre) interpelle les centres PMS au sujet de "l’apprentissage de la lecture". Elargissons d’abord le concept d’apprentissage : lire, ça s’apprend au moins jusqu’à 18 ans... Il conviendrait d’ailleurs d’utiliser un autre terme qu’apprentissage, vu l’ambiguïté, et parler, par exemple de "développement de ses capacités en lecture".

Il me semble que les centres PMS sont davantage concernés par l’inadéquation de l’école à rencontrer les potentialités diversifiées des enfants dans l’apprentissage de la lecture et par la création d’un contexte (d’une ambiance) suscitant l’envie de lire.

Si nous avons un message particulier - original - à faire passer dans ce domaine, ça pourrait être par exemple de mettre l’accent sur les enfants - et les milieux - en difficulté, sur l’ACCES socioculturel et affectif à la lecture.

Apprendre à lire et développer ses capacités en lecture n’est-ce pas une question d’ACCES ?
C’est un peu comme s’il y avait un espace inconnu, étranger, réservé, avec des portes d’entrées diverses. Une seule des portes suffit pour entrer. Encore faut-il avoir de bonnes clés pour ouvrir l’une de ces portes...
Il y a la méthode d’apprentissage - les mécanismes d’ouverture des serrures et des portes. Il y a le pourquoi on veut - ou on ne veut pas entrer - et pour faire quoi ? va-t-on s’y sentir à l’aise ou mal à l’aise, dans ce monde de l’écrit.
Ce monde-là peut aussi paraître tellement étrange et effrayant à certains enfants.
Il y a le niveau de lecture auquel on aura accès. Eveline Charmeux parlait de liseurs et de lecteurs. Je pense qu’on peut encore différencier davantage.

1. un premier niveau serait la lecture déchiffrage, certains lecteurs ne dépassant jamais ce niveau-là.

2. à ce stade ou un peu au-delà, un premier niveau de sens : fonctionnel et réaliste : lire pour se documenter, pour avoir de l’information.

3. un niveau plus symbolique - de "deuxième degré" - apprendre à lire entre les lignes, à goûter la poésie et la musique d’un texte, l’envie de "bien" écrire, de balancer ses phrases, de jouer avec les mots, de susciter le plaisir du lecteur, de le surprendre, de l’émouvoir...

4. un niveau plus imaginaire : lire pour partir dans des histoires qui donnent des frissons, la chair de poule, qui excite la curiosité, suscite des émotions, des élans de tendresse, des larmes, des envies d’évasion, de sortir de soi...

5. un niveau de lecture miroir : lire pour se découvrir ("se parcourir" comme disait Henri Michaux), se connaître mieux, se retrouver dans des histoires et des héros. A l’adolescence, lire pour se (re)trouver, se construire.

Il y a donc l’envie (ou la non envie) d’entrer dans la pièce pour une rencontre avec quelque chose qui s’y passe, l’image claire (ou non) de ce qu’on peut et de ce qu’on va y faire, le sentiment qu’on va y être accueilli, y être à l’aise ou au contraire gauche, maladroit, mal à l’aise et en définitive, indésirable.
Cette forme d’exclusion se construit à la fois dans la tête de l’apprenti lecteur et dans le milieu d’accueil, celui des déjà lecteurs. Et dans ce qui se passe entre eux, dans l’interaction entre le lecteur apprenti, candidat à pénétrer dans la pièce et les lecteurs déjà installés dans la pièce, j’entends les adultes et les enfants plus avancés. Ceux-ci jouent, consciemment ou non, naïvement ou non, un jeu qui a plus de poids qu’on ne le croit habituellement au sein de la classe.

Et puis, il y a l’apprentissage, l’exercice, tout le système scolaire avec ses contraintes, ses évaluations, ses ségrégations...
Et le sentiment plus ou moins vague chez l’apprenant qu’il va s’en sortir - ou pas - , que ce sera trop difficile, trop complexe, et qu’il n’atteindra pas le seuil lui permettant d’entrer dans l’écriture et la lecture de textes.

Question finale : combien d’enseignants se préoccupent de tous ces aspects qui forment une sorte de halo autour de l’apprentissage proprement dit ?

Michel SIMONIS
24 janvier 2002

NOTES

 Le PISA pointe la lecture comme une activité de construction de sens. Apprendre à lire, c’est aussi apprendre à raisonner, à réfléchir, à construire du sens, à prendre distance, à exercer un regard critique sur ce qui est écrit, à décoder des contextes, à repérer d’où parle celui qui écrit, à débattre des idées, à argumenter...

 Il y a une plaquette sur la lecture, produite par le bureau pédagogique du Ségec (cahier n° 2, mai 1995), qui est très bien faite. Il serait utile de la lire ou la relire et d’envisager sa concrétisation dans la scolarité. Cela implique des changements de mentalité et des pratiques. On en revient toujours là ! Comment favoriser ces prises de conscience et ces conscientisations ???