L’accession à l’autonomie se manifeste par la libération ou le recouvrement de trois facultés : la conscience, la spontanéité, l’intimité.
La Conscience. La conscience est la faculté de voir une cafetière et d’entendre chanter les oiseaux selon sa propre manière et non celle qui vous fut enseignée. On a de bonnes raisons de penser que voir et entendre présentent une qualité différente pour les jeunes enfants et pour les adultes, et que ces deux facultés sont plus esthétiques, moins intelectuelles, dans les premières années de l’existence. Un petit garçon voit et entend les oiseaux avec ravissement. Puis le "bon père” arrive, estimant de son devoir de “partager” son expérience et d’aider au “développement" de son fils. Il dit : “Ça, c’est un geai ; celui-ci est un moineau”. Dès que le petit garçon s’occupe de savoir lequel est un geai, lequel est un moineau, il cesse d’être en mesure de voir ou d’entendre chanter les oiseaux. ll doit les voir et les entendre de la façon que le veut son père. Le père a de son côté de bonnes raisons, peu de gens pouvant se permettre de passer leur existence à écouter les oiseaux, et plus tôt commencera “l’éducation” du petit garçon, mieux cela vaudra. Peut-être, quand il sera grand, deviendra-t-il ornithologue. Quelques personnes, pourtant, parviennent toujours à voir et entendre comme autrefois. Mais la plupart des représentants de Ia race humaine ont perdu la faculté d’être peintres, poètes, musiciens, et ne conservent plus le choix de voir et d’écouter directement, même s’ils peuvent se le permettre : il leur faut voir et entendre de seconde main. Le recouvrement de cette faculté est ici nommé “conscience”.
(Eric Berne, des jeux et des hommes, p. 193)
Note.Il faut certes nuancer ce propos. Comme le remarque Daniel Chernet (https://journal-coach.blogspot.be/2012/01/visions-croisees-de-lautonomie.html), car la capacité de conscience est liée à nos apprentissages, particulièrement au développement de cartes de représentation du monde riches et multiples.
Eric Berne “nous invite à nous abstraire de nos apprentissages, or, il y a de grandes chances, que si personne ne m’ait appris à écouter chanter les oiseaux, je n’ai aucune conscience de leur existence.”
“La conscience sera donc la capacité à voir, sentir, entendre, le maximum de phénomènes issus de mon environnement, de mon contexte et la capacité à leur donner un sens qui me convienne, qui me permette le développement et la mise en actes de mon identité.”
Il reste que l’idée de base est, comme le dit Vittoz, d’être dans le ressenti avant et indépendamment de passer trop vite au plan mental, avec des mots qui risquent d’obstruer la sensation, de la polluer par toutes sortes d’influence culturelle. Il y a un temps pour la conscience sensorielle, et un autre temps pour la mise en modèle, en “cartes du monde”.
“Regarder, c’est (…) oublier le nom des choses que l’on voit” (Paul Valery)